En France, la Broncho-Pneumopathie Chronique Obstructive, communément appelée par son acronyme BPCO, touche environ 5 millions de malades.
Elle est responsable de 3 % des décès annuels, et pourrait être la 4ème cause de mortalité en 2030.
Du fait de son évolution lente et insidieuse, la BPCO est particulièrement sous-diagnostiquée. Elle est d’ailleurs souvent qualifiée de « tueur silencieux ».
Pourtant, détectée dès les premiers signes de gêne respiratoire, et prise en charge par une équipe pluridisciplinaire spécialisée, elle aurait moins d’impact sur la qualité et l’espérance de vie des malades qui en sont atteints.
Alors, qu’est-ce que la BPCO et comment pouvez-vous accompagner vos patients au quotidien ?
C’est ce que nous verrons dans cet article.
Qu’est-ce que la BPCO ?
Définition :
La BPCO est une maladie du tissu pulmonaire qui se caractérise par une obstruction progressive, chronique et irréversible des voies respiratoires.
L’inflammation chronique des voies aériennes entraîne une hypersécrétion de mucus qui, associée à l’épaississement des parois des bronches, les obstruent.
Elle se définit par une toux accompagnée d’expectorations et de sifflements respiratoires, qui persiste pendant au moins 3 mois, durant deux années consécutives.
La BPCO est généralement ponctuée d’épisodes d’exacerbations.
Causes et facteurs de risque :
Le tabagisme est responsable de 8 cas de BPCO sur 10.
Dans 15% des cas, elle est due à la pollution de l’air intérieur et extérieur ou à une exposition prolongée à des irritants professionnels tels que les poussières de céréales, les pesticides, les poussières de charbon ou de silice ou encore la fumée de diesel.
Enfin, elle peut être d’origine génétique.
En effet, un déficit en alpha-1-antitrypsine (A1AT) a été identifié comme facteur de risque dans la BPCO.
Rôle de l’Infirmier dans la prise en charge de la BPCO :
L’Évaluation initiale :
L’évaluation initiale est une étape essentielle dans la prise en charge de la BPCO.
Elle comprend le recueil des données et l’analyse des symptômes et de la qualité de vie.
Votre recueil de données doit vous permettre de cerner le problème dans sa globalité et de pouvoir mesurer l’efficacité de votre prise en charge, dans le temps.
Les éléments les plus pertinents sont :
- Les symptômes : date de début, évolution, tolérance à l’effort, fatigue, etc.
- Les antécédents médicaux et familiaux, les épisodes d’exacerbations…
- Les allergies,
- Les traitements en cours,
- Les habitudes de vie : alimentation, activité, sommeil, tabagisme, exposition aux irritants et aux polluants, etc.
Vous complèterez votre interrogatoire par une évaluation clinique de la fonction cardio-respiratoire :
- Oxymétrie
- Fréquence respiratoire
- Dyspnée : évaluation de son stade avec l’échelle MRC par exemple,
- Évaluation des signes d’alerte : respiration superficielle ou paradoxale, sifflements, tirage, cyanose, douleur thoracique, température, pouls, tension artérielle…
L’Éducation Thérapeutique (ETP) :
L’éducation thérapeutique est l’un des piliers de l’accompagnement de vos patients atteints de BPCO.
Dans ce cadre, votre rôle sera d’évaluer les connaissances de votre patient au sujet de :
- La maladie, son évolution, les complications possibles ;
- Ses signes d’alerte et comment y réagir ;
- Les médicaments : utilité, respect des prises…
- Les dispositifs prescrits : inhalateur, aérosols, oxygène…
Vous adapterez l’éducation de votre patient à son niveau de connaissance et d’apprentissage.
Si l’état de votre patient ne lui permet pas d’être acteur de sa prise en charge, vous pourrez sortir du cadre exclusif du Prado et ajusterez vos passages en conséquence.
Suivi et surveillance :
Pour éviter les complications et les hospitalisations pour épisodes d’exacerbation, le suivi doit être régulier et de qualité.
Lors de vos passages, vous évaluerez les symptômes et leur évolution, ainsi que les éventuels signes de complications d’ordre infectieux ou cardiovasculaire, par exemple.
Vous observerez la qualité de la toux et des expectorations, la température, la saturation en oxygène, les signes d’oppression thoracique, ou de majoration de la dyspnée, l’apparition d’une tachycardie, de marbrures, d’une hypotension ou encore d’œdèmes des membres inférieurs.
Enfin, vous évaluerez la tolérance aux traitements prescrits : vous signalerez à l’équipe médicale dédiée, le manque d’efficacité ou les éventuels effets secondaires, afin d’ajuster les thérapeutiques le plus rapidement possible.
Prise en charge infirmière des exacerbations :
Le but principal de votre accompagnement, y compris dans le cadre du Prado, est de prévenir les hospitalisations pour épisodes de décompensation.
Pour cela, vous devez reconnaître les signes d’alerte : essoufflement accru, changements dans l’aspect du mucus, fatigue… et, devant ce tableau clinique, réagir immédiatement.
Pour cela, assurez-vous d’avoir un protocole d’urgence sous la main, ainsi que le matériel nécessaire : oxygène, appareil à aspiration bronchique, etc.
Si l’état de votre patient le nécessite, vous pouvez contacter le médecin référent pour obtenir la conduite à tenir.
Et, s’il se dégrade, n’hésitez pas à appeler le 15 pour une intervention en urgence.
Zoom sur le Programme d’accompagnement du retour à domicile :
Le dispositif Prado est un programme de suivi et de coordination proposé en sortie d’hospitalisation aux patients ayant subi un épisode de décompensation de leur insuffisance cardiaque ou de leur BPCO.
Son objectif est de réduire la morbidité ainsi que les risques de ré-hospitalisations.
Les soins de longue durée et la prévention :
Le sevrage tabagique :
Nous l’avons vu, le tabac est responsable de 80% des cas de BPCO.
L’arrêt du tabac est donc indispensable et constitue la base du traitement non médicamenteux de cette maladie invalidante.
Le sevrage tabagique permet de stopper la progression de l’obstruction bronchique, de retarder la survenue de l’insuffisance respiratoire, et de réduire l’intensité des symptômes et des exacerbations.
Il améliore aussi la qualité de vie et la tolérance à l’effort.
Pour aider vos patients sur le long terme, vous pouvez les accompagner dans cette démarche de sevrage grâce à des conseils pratiques et des solutions adaptées à leur profil et à leurs besoins :
- Enseignement de techniques respiratoires, qui seront aussi un allié de taille en cas de difficultés respiratoires ;
- Éducation et prescription de substituts nicotiniques conformément à la législation en vigueur ;
- Informations sur les autres solutions existantes : thérapies comportementales, hypnose, consultation avec un médecin tabacologue, orientation vers un réseau de soins en addictologie, Tabac Info Service (3989), applications mobiles (« Ouiquit »), etc.
Le médecin pourra proposer la Varénicline en deuxième intention.
La réhabilitation respiratoire :
Vous pouvez également promouvoir la réhabilitation respiratoire, mesure phare dans la prise en charge non médicamenteuse de la BPCO.
Elle permet d’améliorer la qualité de vie du patient qui en bénéficie, et son pronostic vital.
La Réhabilitation Respiratoire est un programme axé sur :
- Le réentraînement à l’exercice avec reprise d’activités physiques adaptées,
- L’éducation thérapeutique (ETP),
- Le sevrage tabagique,
- Le bilan et le suivi nutritionnels et,
- La prise en charge psycho-sociale.
Elle est mise en œuvre par une équipe pluridisciplinaire spécialisée, avec laquelle vous travaillerez en étroite collaboration.
La Vaccination :
Enfin, rappelons que la vaccination antigrippale et antipneumococcique permet de réduire le risque d’infections pulmonaires graves, et parfois mortelles.
Elle est donc fortement recommandée à titre préventif.
Soutien Psychologique et Gestion du Stress :
Être essoufflé ou suffoquer génère de l’anxiété et un stress important qui, par leur mécanisme, peuvent majorer les difficultés respiratoires.
Si vous êtes initié à la sophrologie ou si vous connaissez des techniques d’apaisement, de relaxation ou de contrôle respiratoire, n’hésitez pas à les enseigner à vos patients.
Sinon, vous pouvez les diriger vers des professionnels formés à cet effet ou vous aider des applications mobiles comme « Cohérence cardiaque », « Petit bambou » ou « Calm », qui proposent des séances de méditation ou des exercices de respiration gratuits.
La BPCO peut aussi induire une dépression qu’il ne faut pas négliger et qu’il faut traiter. Soyez attentifs aux signes évocateurs.
Collaboration multidisciplinaire :
La coordination entre l’infirmier et l’équipe médicale (pneumologue, généraliste) est nécessaire pour adapter le traitement aux besoins du patient.
Le kinésithérapeute joue également un rôle important dans la prise en charge de la BPCO : les séances de kinésithérapie respiratoire associées aux séances de mobilisation, sont essentielles à l’amélioration de l’état général du patient.
En effet, nous n’y pensons pas toujours, mais l’essoufflement chronique induit une baisse de l’activité et, à terme, de la mobilité.
Il est donc important de rééduquer ces patients dyspnéiques à l’activité et d’adapter l’ « effort » à leur capacité.
Enfin, pour les patients les plus lourdement touchés et nécessitant un accompagnement renforcé, l’intervention d’une assistante sociale et d’un service d’aide à domicile peut être envisagée.
N’hésitez pas à faire un point régulièrement avec tous les intervenants qui gravitent autour de votre patient.
Pour conclure…
Comme nous venons de le voir, en tant qu’infirmier(e), votre rôle est capital dans la prise en charge d’un patient souffrant de broncho-pneumopathie chronique obstructive.
En effet, en plus de votre surveillance habituelle, vous avez un rôle prépondérant à jouer dans la prévention des complications, mais aussi dans l’éducation de vos patients, et dans la coordination avec l’équipe pluridisciplinaire.
Si la prise en charge de ce type de patients vous intéresse mais que vous ne vous sentez pas parfaitement à l’aise avec les spécificités de cet accompagnement, vous pouvez profiter de votre obligation triennale pour participer à une action de DPC dédiée : Prado BPCO, Prado Insuffisance cardiaque, etc.
Cette formation vous permettra aussi de figurer dans l’annuaire mis en place par les caisses d’assurance maladie, qui initient ces programmes de retour à domicile, et qui choisissent en priorité les professionnels formés au dispositif.
Elle est également nécessaire pour justifier la cotation de l’acte Prado au coefficient de 5.8.
Avez-vous des personnes atteintes de BPCO dans votre entourage ?
Que leur conseillez-vous pour vivre le plus normalement possible avec cette maladie ?
Participez-vous au programme Prado ?
Qu’en pensez-vous ?
Enfin, si vous avez aimé cet article, n’hésitez pas à le partager à votre entourage ou à vos collègues.
Source :
https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/chronic-obstructive-pulmonary-disease-(copd)
https://www.ameli.fr/assure/sante/themes/bpco-bronchite-chronique/comprendre-bpco