Dans le cadre de votre exercice libéral, vous êtes très régulièrement amenés à prendre en charge des plaies aiguës ou chroniques, et parfois, vous devez choisir le pansement le plus adapté à la plaie.
Hydrocolloïdes, hydrocellulaires, hydrofibres ou encore hydrogels, la liste des pansements est longue, et il n’est pas toujours évident de s’y retrouver.
Alors, refaisons ensemble un point sur l’une des références que vous utilisez le plus dans votre quotidien d’IDEL : le pansement hydrocolloïde.
Il est apparu au début des années 80, et a progressivement remplacé les pansements plus conventionnels en coton, ceux à base de vaseline ou encore les compresses humides, tous autrefois largement utilisés.
Les pansements hydrocolloïdes sont composés d’un gel absorbant qui forme un environnement humide pour favoriser la cicatrisation. Cependant, certaines précautions doivent être prises quand on les utilise.
C’est ce que nous allons voir ci-après.
Qu’est-ce qu’un pansement hydrocolloïde ?
Il est constitué de polymères absorbants, dont les propriétés physico-chimiques sont liées à la présence de carboxyméthylcellulose (CMC), et d’autres composants comme la pectine, la gélatine, et d’autres composés hydrophiles.
Sa couche externe est constituée d’un film semi-occlusif ou d’une mousse polyuréthane.
La couche interne du pansement :
- Absorbe les exsudats grâce à ses molécules hydrophiles et se transforme en gel en présence du liquide inflammatoire, pour protéger la plaie.
- Assure une hypoxie locale qui stimule la croissance des capillaires dermiques.
- Adhère à la peau saine et pas à la plaie.
La couche externe empêche la plaie d’être contaminée par des micro-organismes.
Comme vous le savez, l’hydrocolloïde agit en favorisant un environnement chaud et humide favorable à la régénération tissulaire. C’est ce qu’on appelle la détersion en milieu humide.
Le pansement hydrocolloïde est souple, confortable et peut rester en place plusieurs jours.
Grâce à la formation du gel qu’il induit, le retrait du pansement est normalement indolore pour votre patient.
Il existe sous forme de plaques minces, épaisses, anatomiques ou bordées mais aussi sous forme de poudres ou de pâtes.
Enfin, son prix est très abordable, ce qui en fait une référence de choix.
Selon les laboratoires, vous les trouvez sous le nom de : Tegaderm, Comfeel, Duoderm, Suprasorb, Hydrocoll, Algoplaque, etc.
Comment utiliser un pansement hydrocolloïde ?
Préparation de la Plaie :
Tout d’abord, on nettoie la plaie à l’eau courante, au sérum physiologique ou parfois avec un antiseptique doux.
On sèche ensuite la peau péri-lésionnelle.
Puis, on applique le pansement sur la plaie en prenant soin de laisser une marge de 2 à 3 cm autour de cette dernière.
Il est donc très important de bien évaluer la plaie pour choisir correctement la taille du pansement.
Lors de la pose, on évite les plis et les bulles d’air pour une adhérence maximale.
Normalement, un pansement hydrocolloïde peut absorber jusqu’à 3 fois son poids en exsudat. Il est donc possible d’espacer les réfections de pansement lorsque la plaie secrète peu.
En règle générale, il est recommandé de changer le pansement quand il arrive à saturation, quand il est souillé, quand il se décolle et bien sûr, dès lors que vous suspectez une infection.
Son retrait est normalement indolore : on enlève le pansement en douceur pour minimiser l’inconfort du patient.
La fréquence des changements de pansement est prévue sur l’ordonnance remise à votre patient à votre attention. Il peut rester en place jusqu’à 7 jours.
Vous pouvez solliciter une consultation médicale pour réajuster le nombre de passage et/ou le protocole, en cas de problème dans la cicatrisation ou si vous estimez que l’hydrocolloïde n’est pas adapté.
Ou recourir aux réseaux de proximité spécialisés dans les plaies et cicatrisations pour avis, en cas de doute sur l’évolution de la plaie ou l’efficacité du protocole.
Quand utiliser un pansement hydrocolloïde ?
Le pansement hydrocolloïde est le pansement de référence de l’escarre.
Il est recommandé pour les plaies faiblement à modérément exsudatives comme l’ulcères de jambe, les plaies diabétiques, les plaies aiguës, les brûlures superficielles, les sites donneurs (greffes), l’érythème, la désépidermisation, la nécrose fibrineuse…
Les hydrocolloïdes épais sont indiqués pour tous les stades des plaies tandis que les plus fins seront plutôt conseillés pour en cas d’érythèmes, de dermabrasions et de plaies bourgeonnantes.
Il peut être utilisé de manière prolongée, avec des changements allant de 3 à 7 jours maximum.
La surveillance doit être quotidienne.
Si votre patient n’est pas en mesure de surveiller son pansement ou de vous avertir d’une éventuelle complication, n’hésitez pas à le signaler au médecin pour qu’il ajuste vos passages, surtout si vous n’intervenez chez votre patient que pour ses soins de plaie.
Précautions et contre-indications :
On n’utilise pas d’hydrocolloïde en présence d’une plaie infectée, comme une plaie de pied diabétique par exemple.
En effet, de par son caractère occlusif et l’environnement humide qu’il génère, ce type de pansement pourrait précipiter ou entretenir l’infection.
Il est également contre-indiqué pour les plaies sèches, les plaies fortement exsudatives, les mycoses, les brûlures au troisième degré et l’hyper-bourgeonnement.
Il peut générer une odeur nauséabonde en phase de détersion, une macération des berges de la plaie voire un possible eczéma péri-lésionnel.
Vous devrez être particulièrement vigilant aux éventuelles réactions pouvant se déclarer chez les patients allergiques, et chez ceux qui ont une peau sensible ou qui ont déjà présenté une sensibilité à l’un des composants du pansements.
Comme mentionné plus haut, il est impératif d’amorcer un suivi régulier de la plaie pour pouvoir détecter une infection, une anomalie dans la cicatrisation ou pour prévenir les complications.
Si vous ne pouvez pas éduquer votre patient ou s’il n’est pas en mesure de vous alerter d’une éventuelle complication, n’hésitez à faire prescrire des passages supplémentaires.
Les alternatives aux pansements hydrocolloïdes :
Tableau récapitulatif des principales indications :
Pansements : | Indications : | Exemples : |
Hydrocolloïdes | Plaies légèrement à modérément exsudatives. Escarres Plaies diabétiques Brûlures Plaies aigues ou superficielles, Érythème, dermabrasion, Sites donneurs : greffes Ulcères de jambes. | Tegaderm Comfeel Algoplaque Duoderm Hydrocoll… |
Hydrocellulaires | Plaies légèrement à modérément exsudatives. Plaies chroniques. Phase de bourgeonnement des plaies aigues. | Biatain, Tegaderm Foam, Aquacel Foam, Mepilex Border, Mepilex Transfer, Allevyn, Tielle… |
Alginates | Plaies exsudatives et/ou hémorragiques. | Algosteril, Askina sorb, Sorbalgon, Urgosorb… |
Hydrofibres : | Plaies exsudatives à très exsudatives, et notamment en phase de détersion. | Aquacel Urgoclean… |
Hydrogel | Détersion des plaies sèches, peu exsudatives, fibrineuses, ou nécrotiques, plaies atones. | Purillon, Sorbact, Intrasite, Hydroclean, Askina gel… |
Interfaces | Bourgeonnement et épidermisation des plaies faiblement suintantes. Épidermolyse bulleuse. | Mépitel |
Pansements vaselinés | Bourgeonnement des plaies légèrement suintantes | Tulle gras Jelonet |
Pansements au charbon actif | Plaies plus ou moins exsudatives et plus ou moins malodorantes. Plaies cancéreuses (ORL, peau et sein). | Actisorb, Carbonet, Acticoat… |
Pansements à l’argent | Ulcères de jambe inflammatoires avec 3 des critères suivants : œdème, douleur entre 2 changements de pansement, érythème péri-lésionnel, plaie malodorante, exsudat important. | Aquacel argent, Urgocell Ag… |
Pansements à l’acide hyaluronique | Traitement non séquentiel des ulcères de jambe. Plaies atones. | Ialuset, Ialuset Plus… |
L’hydrocellulaire :
Le principal « concurrent » du pansement hydrocolloïde est le pansement hydrocellulaire.
Les hydrocellulaires ont un pouvoir absorbant de longue durée.
Il s’agit d’un pansement multicouches constitué de polymères (principalement la mousse de polyuréthane) et d’autres composants (Silicone, CMC, NOSF).
Sa couche interne absorbe les exsudats. Elle est munie d’une interface qui facilite son retrait sans générer de douleur.
Sa couche externe est imperméable aux liquides et aux bactéries mais elle facilite les échanges gazeux.
À l’instar des hydrocolloïdes, ils fournissent un environnement chaud et humide favorable à la cicatrisation.
Ils permettent un drainage modulable des exsudats.
Ils sont un allié de choix dans la prise en charges des plaies faiblement à fortement exsudatives dont les escarres, les ulcères de jambes, les plaies diabétiques, les plaies aiguës, les sites donneurs, les plaies bourgeonnantes et celles en voie d’épidermisation.
On les trouve sous forme de pansements adhésifs (bordés), non adhésifs, micro-adhérents, sous forme anatomique ou adaptée au remplissage des plaies cavitaires.
Enfin, ils sont aussi très résistants.
Ex : Biatain, Tegaderm Foam, Aquacel Foam, Mepilex Border, Mepilex transfer, Allevyn, Suprasorb, Tielle, etc.
Focus sur les pansements au NOSF composé de Nano OligoSaccharide Factor et d’une interface lipidocolloïde.
Ils sont composés d’une couche absorbante en mousse de polyuréthane, d’un film semi perméable de polyuréthane, et sont parfois enduit de silicone pour les formes bordées.
Le NOSF favorise le bourgeonnement.
Ils sont indiqués pour les plaies en phase de bourgeonnement, les ulcères veineux et les ulcères mixtes ou à prédominance veineuse.
Ex : Urgostart border
Les Alginates :
Ces pansements sont majoritairement composés de polymères d’acides alginiques obtenus à partir d’algues, avec ou sans carboxyméthylcellulose (CMC).
Les alginates ont un fort pouvoir d’absorption ainsi que des propriétés hémostatiques. Ils se transforment en gel au contact du sang et des exsudats. Ils créent un environnement chaud et humide favorable à la cicatrisation.
Ils sont recommandés dans les plaies exsudatives et/ou hémorragiques
Ils existent sous forme de compresses ou de mèches.
Ex : Askina sorb, Algosteril, Sorbalgon, Algisite M, Urgosorb, etc.
Les Hydrofibres :
Ces pansements sont majoritairement composés de fibres non tissées de carboxyméthylcellulose (CMC) pure, qui se transforment en gel au contact des exsudats. Ils ont un fort pouvoir d’absorption.
L’absorption étant verticale, il n’y a pas de macération sur les berges des plaies. Eux aussi agissent en favorisant la détersion en milieu humide.
On les utilise sur les plaies exsudatives à très exsudatives sans distinction de phase, bien que la phase de détersion soit la plus intéressante.
Les CMC existent sous forme de compresses ou de mèches.
Ex : Aquacel, Urgoclean
Les Hydrogels :
Les hydrogels contiennent plus de 50% d’eau.
L’eau hydrate la plaie et dissout les tissus nécrotiques secs ce qui facilite la détersion mécanique.
En effet, les hydrogels fournissent l’environnement propice à la détersion en milieu humide.
Ils sont indiqués pour ramollir les zones de nécrose, pour la détersion des plaies sèches, atones, peu exsudatives, fibrineuses ou nécrotiques
On les trouve sous forme de plaques, de compresses imprégnées, de seringue et de gels.
Ex : Askina gel, Purillon, Sorbact, Hydrotac, Hydroclean, Intrasite, etc.
Les pansements vaselinés :
Ce sont des pansements constitués d’une trame imprégnée de vaseline.
Ils sèchent rapidement, peuvent emprisonner le tissu de bourgeonnement, et du fait de leur adhérence à la plaie, leur retrait peut parfois être douloureux.
Ils sont surtout indiqués pour traiter les dermabrasions, les brûlures et les plaies bourgeonnantes en phase d’épidermisation.
Ex : Tulle gras, Jelonet, etc.
Les Interfaces :
Les pansements interfaces sont constitués d’un voile synthétique à mailles étroites qui peuvent parfois être enduites de silicone ou de CMC.
Ils se distinguent des pansements gras par leur faible adhérence, ce qui réduit le risque de traumatismes et les douleurs au retrait du pansement.
Ils sont indiqués pour les phases de bourgeonnement et d’épidermisation des plaies faiblement suintantes ou en cas d’épidermolyse bulleuse.
Ex : Mepitel
Les pansements au charbon actif :
Ils sont constitués de différents supports (hydrofibre, hydrocellulaire ou alginate) auxquels le charbon actif a été ajouté.
Le charbon absorbe les molécules qui génèrent les mauvaises odeurs des plaies.
Ils sont principalement recommandés pour les plaies plus ou moins exsudatives, plus ou moins malodorantes, et les plaies cancéreuses (ORL, peau et sein principalement)
Ces pansements existent sous forme de plaques et compresses.
Ex : Actisorb, Askina carbosorb, Carbonet, Acticoat, etc.
Les pansements à l’argent :
Ils sont constitués de différents supports (crèmes, compresses, plaques) auxquels de l’argent a été ajouté, sous différentes formes.
L’activité bactérienne est stoppée quand l’ion argent se lie à l’ADN de la bactérie. Plus l’inoculum infectieux est faible, meilleure est son efficacité.
L’argent a un large spectre d’action : cocci, bacilles, mycobactéries, BMR.
Ils sont indiqués pour les plaies colonisées, infectées ou à risque de surinfection, pour une durée de 8 à 15 jours.
Et, dans le traitement des ulcères inflammatoires présents depuis au moins 4 semaines, avec au moins 3 des 5 signes cliniques suivants : douleur entre 2 changements de pansement, érythème péri-lésionnel, oedème, plaie malodorante et exsudat abondant.
Ex : Aquacel argent, Urgocell Ag, etc.
Les pansements à base d’acide hyaluronique :
Ils contiennent de l’acide hyaluronique, constituant naturel du derme, à des concentrations variables.
Ils existent sous diverses formes : crèmes, compresses, sprays, etc.
Ils relancent la cicatrisation des plaies atones et stimule la production de collagène.
Ils sont indiqués pour le traitement non séquentiel des ulcères de jambes et les plaies chroniques atones.
Ex : Ialuset, Ialuset Plus
Comment facturer ?
Il existe 3 forfaits « dépendance », directement liés à votre charge de travail. Il s’agit des forfaits : BSA, Pour facturer correctement vos actes et éviter les rejets ou les indus, vous devez vous conformer à la NGAP, à l’ordonnance médicale et au type de plaie que vous prenez en charge.
Est-elle simple ou complexe ? Est-elle soumise à irrigation ? Y-a-t’il du matériel extériorisé ? Des compressions ?
Est-ce une plaie diabétique ?
Pour être pris en charge par les organismes d’assurance maladie, vos soins de plaies doivent être strictement mentionnés dans les Articles 2 et 3 du chapitre I et 5bis du chapitre II de la NGAP.
Les pansements simples se facturent AMI 2.
Les pansements complexes se cotent AMI 4 et peuvent s’associer à une Majoration de Coordination Infirmière (MCI) si les soins se font au domicile du patient. Ces pansements complexes sont cumulables à taux plein avec vos séances de soins infirmiers.
Vous pouvez également facturer un bilan de plaie lorsque vous débutez les soins d’une plaie lourde et complexe : AMI 11.
Vous ne pourrez pas facturer la MCI ni la réfection du pansement qui sera comprise dans cette cotation.
Le bilan de plaie complexe se facture une fois par an.
Toutefois, vous pourrez le facturer à nouveau en cas de récidive, c’est à dire après une interruption des soins de plaie d’au moins 2 mois.
Le pansement d’ulcère ou de greffe avec pose de compression se cote AMI 5.1.
En cas de doute, vous pouvez contacter la caisse dont dépend votre patient pour confirmer une cotation.
Pour conclure…
Comme nous l’avons, le pansement hydrocolloïde est le pansement de prédilection de l’escarre.
Il favorise la détersion des plaies en milieu humide et son coût est parmi les plus faibles.
Toutefois, le choix du pansement doit surtout se faire en fonction du type de plaies que l’on vous confie.
Car, bien qu’il soit une référence de choix, le pansement hydrocolloïde ne convient pas à toutes les plaies.
La gamme de pansements actuelle est suffisamment étendue pour que vous trouviez le pansement le plus approprié à la plaie et à sa phase de cicatrisation.
N’hésitez pas à solliciter l’avis de vos collègues, d’un médecin, d’un réseau dédié aux plaies et même, à vous rapprocher des laboratoires pour connaître les indications de leurs pansements ou les nouveautés.
Enfin, si vous souhaitez vous spécialiser dans les Plaies et leur cicatrisation, il est possible d’actualiser vos connaissances grâce aux actions de DPC, qui proposent des formations sur ce thème, et vous aurez en plus, rempli votre obligation triennale.
Et, vous, quel(s) type(s) de plaie(s) prenez-vous en charge ?
Utilisez-vous régulièrement ce type de pansement ?
Avez-vous des anecdotes ou des conseils à donner à vos collègues à leur sujet ?
Avez-vous déjà réactualisé vos connaissances en matière de plaies et cicatrisation ?
Enfin, si vous avez aimé cet article, n’hésitez pas à le partager.
Source :
https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2009-01/pansements_synthese_rapport.pdf
https://www.ld-medical.fr/img/cms/Pdf/quel-pansement-pour-quelle-plaie.pdf