En France, la dénutrition touche 2 millions de personnes, dont 25 % sont des personnes âgées de plus de 70 ans quivivent seules.
Aujourd’hui, 40% des motifs d’hospitalisation des personnes âgées découlent des conséquences de la dénutrition.
Il s’agit de la pathologie gériatrique la plus fréquente : on estime d’ailleurs, qu’une personne âgée de plus de 75 ans sur 5, sera atteinte de dénutrition en 2050.
Cause de nombreuses complications dont la perte de l’autonomie, les chutes à répétition ou encore la fragilité immunitaire, elle reste pourtant encore méconnue et mal diagnostiquée, ce qui entraîne un retard dans la prise en charge, qui, pour être efficace, doit être mise en place de manière précoce.
Face à ce véritable problème de santé publique, et pour sensibiliser le public et les professionnels de santé sur le sujet, le ministère des solidarités et de la santé a mis en place une « Semaine nationale de la dénutrition », dans le cadre du PNNS (Programme National Nutrition Santé) de 2019-2023.
La prochaine aura lieu du 12 au 19 novembre 2024, sur tout le territoire.
Mais, qu’est-ce que la dénutrition, comment la reconnait-on et comment peut-on la prévenir ?
C’est ce que nous verrons dans cet article.
Qu’est-ce que la dénutrition chez la personne âgée ?
- Définition :
La dénutrition est une maladie silencieuse, qui se manifeste par un déséquilibre de la balance énergétique : les apports nutritionnels ne sont pas suffisants comparés aux besoins de l’organisme.
Plus que de dénutrition, on parle de malnutrition protéino-énergétique chez la personne âgée dès lors qu’on observe l’un des facteurs suivants :
- Perte de poids supérieure ou égale à 5 % en un mois,
- Perte de poids supérieure ou égale à 10 % en 6 mois,
- IMC inférieur à 21
- Albuminémie < à 35 g/l.
En France, on estime qu’elle touche :
- 4 à 10% des personnes âgées vivant au domicile ;
- 20 à 40% des seniors vivant en Institution ;
- 40 à 50% des personnes âgées hospitalisées.
À noter qu’une personne en surpoids ou obèse peut être dénutrie.
- Causes de la dénutrition chez la personne âgée :
La dénutrition peut être liée à un ou à une association des facteurs suivants :
‒ un déficit d’apport protéino-énergétique,
‒ une augmentation des dépenses énergétiques totales,
‒ une augmentation des pertes énergétiques et/ou protéiques.
Les causes de la dénutrition sont multiples. Outre les pathologies graves de type cancer, maladies cardiovasculaires, hépatiques et rénales, elle peut être due à :
- Des problèmes de santé aigus ou à une décompensation d’une pathologie chronique : douleurs, fracture, escarres, intervention chirurgicale.
- Les traitements médicamenteux pris au long cours : polymédication, médicaments qui entraînent une sécheresse de la bouche, qui modifient le goût des aliments, ou qui induisent des troubles digestifs ou une somnolence.
- Un syndrome démentiel et/ou des problèmes neurologiques comme la maladie d’Alzheimer, un syndrome parkinsonien ou des troubles de la vigilance par exemple.
- Des troubles psychiatriques : syndromes dépressifs, troubles du comportement…
- Des causes psycho-socio-environnementales comme l’isolement social, la solitude, le deuil, la maltraitance ou encore les problèmes financiers.
- Le stress, qui perturbe le système digestif et/ou qui génère une surconsommation d’aliments (alimentation émotionnelle) ou une anorexie.
- Une perte d’autonomie qui entraîne une dépendance pour les actes de la vie quotidienne (alimentation, mobilité…).
- Des troubles bucco-dentaires (mauvais état dentaire, appareillage mal adapté) ou des troubles de la déglutition (problème ORL). À noter, qu’environ 3% des personnes âgées ont une dentition saine.
- Des régimes restrictifs qui induisent une perte d’appétit : sans sel, diabétique, etc.
- Des grignotages qui réduisent la quantité et la qualité des apports lors des repas principaux,
- Une consommation excessive d’alcool,qui entraîne des grignotages ou une baisse d’appétit ; de tabac, qui modifie le gout des aliments et réduit l’appétit, et même de café.
Notons aussi qu’avec l’âge, et le vieillissement physiologique :
- La digestion est plus longue et plus difficile,
- Les nutriments sont moins bien assimilés,
- Les récepteurs qui régulent la sensation de faim et la satiété fonctionnent moins bien, ce qui peut induire un manque d’appétit, et
- Le nombre de papilles baisse, ce qui modifie le goût et entraine une appétence pour le sucré, qui peut être délétère, notamment en cas de diabète.
Signes et symptômes de la dénutrition :
Les signes les plus fréquents de dénutrition sont :
- Une perte de poids involontaire avec un amaigrissement et une fonte musculaire.
- Une fatigue chronique, une faiblesse musculaire et des difficultés à se mobiliser.
- Une perte d’appétit : baisse de la consommation alimentaire, désintérêt pour les repas.
- Une diminution de la force physique qui aura un impact sur la mobilité et l’autonomie.
- Des troubles cognitifs comme l’altération de la mémoire et de la concentration ou une aggravation de maladies neuro-dégénératives (Alzheimer, démence).
- Une fragilité cutanée : peau sèche, pâle, vulnérable aux blessures et infections.
Mais, les petits détails que vous observez habituellement dans votre quotidien d’infirmiers ou de kinésithérapeutes comme : les assiettes qui ne sont pas terminées, le frigo vide, les vêtements qui flottent, une alliance ou des prothèses dentaires devenues trop grandes… sont autant de signes qui doivent aussi vous alerter.
Diagnostic de la dénutrition :
Le diagnostic de dénutrition nécessite la présence d’au moins : 1 critère phénotypique et 1 critère étiologique.
Ce diagnostic est un préalable obligatoire avant de juger de sa sévérité.
Les critères phénotypiques :
Ils reposent exclusivement sur des critères non biologiques.
Un seul de ces critères suffit :
- Perte de poids ≥ 5 % en 1 mois
- Perte de poids ≥ 10 % en 6 mois
- Perte de poids ≥ 10 % par rapport au poids habituel (avant le début de la maladie)
- IMC < 22 kg/m²
- Sarcopénie.
Les critères étiologiques :
Un seul de ces critères suffit. On y retrouve principalement :
- Une baisse des apports alimentaires par rapport :
- À la consommation alimentaire habituelle, ou
- Aux besoins protéino-énergétiques.
Elle peut aussi être due à un problème de malabsorption/mal-digestion.
Les prises alimentaires doivent être diminuées de moitié pendant une semaine ou persister au-delà de deux semaines sans critère quantitatif.
- Une situation pathologique (avec ou sans syndrome inflammatoire) : pathologie aiguë, chronique ou maligne évolutive.
Le diagnostic de dénutrition demeure tant que persiste le critère phénotypique.
La dénutrition étant généralement multi-factorielle, un interrogatoire complet et un examen clinique, seront souvent indiqués pour rechercher d’autres étiologies ou facteurs de risque.
Une fois le diagnostic posé, on en mesure la sévérité, grâce à des critères spécifiques (1 seul suffit) :
- IMC < 20 kg/m²
- Perte de poids : ≥ 10 % en 1 mois, ou ≥ 15 % en 6 mois, ou ≥ 15 % par rapport au poids habituel avant le début de la maladie ;
- Albuminémie ≤ 30 g/L.
À noter que la valeur pronostique de l’albumine ne dépend pas de l’existence d’un syndrome inflammatoire, et que l’hypoalbuminémie n’est pas un critère de diagnostic de la dénutrition, mais un critère de sévérité.
À noter également que les personnes âgées en situation d’obésité (IMC ≥ 30) peuvent aussi être dénutries. Dans ce cas, seul le seuil d’IMC change, les autres critères de dénutrition restent les mêmes.
Questionnaire MNA pour dépister la dénutrition :
Le Mini Nutritional Assessment® ou MNA, est un outil de repérage de risque de dénutrition mais, il ne constitue plus un critère de diagnostic de dénutrition.
Il existe le MNA court de dépistage (6 items, score /14) et le MNA
complet comprenant deux parties (18 items, score/30).
Le plus couramment utilisé, et celui que vous trouvez dans le BSI, est le MNA à 6 items.
Il s’agit d’un outil d’évaluation, facile d’utilisation, qui permet :
– D’évaluer l’appétit et/ou le niveau des apports alimentaires
– De déterminer l’IMC (rapport poids/taille au carré)
– De renseigner une éventuelle perte de poids au cours des trois derniers mois
– De détecter la présence de troubles de la motricité et/ou des problèmes psychologiques
– De signaler la survenue d’un stress aigu récent.
La cotation maximum peut atteindre un score de 14 points.
Si le test de dépistage est ≤ à 11, il est nécessaire de compléter l’évaluation avec le MNA long à 30 items, qui prendra en compte des critères supplémentaires.
Conséquences de la dénutrition :
La dénutrition de la personne âgée peut avoir de nombreux effets délétères dont :
- Un risque accru de comorbidités : aggravation des maladies chroniques (diabète, insuffisance cardiaque), retard de cicatrisation, escarres…
- Une diminution des tissus musculaires, qui induit des difficultés à la marche, et augmente le risque de chutes et de fractures.
- L’aggravation de la dépendance.
- Une grande fatigue, mais aussi l’isolement, la dépression ou encore de l’anxiété.
- Un affaiblissement du système immunitaire et donc une plus forte sensibilité aux infections
- La mort, quand la perte de masse protéique est supérieure à 50%.
À noter que la dénutrition est la première cause d’immunosuppression dans le monde.
Prévention de la dénutrition chez la personne âgée :
La prévention de la dénutrition passe essentiellement par :
- La mise en place d’un suivi régulier : feuille de suivi du poids et de l’alimentation afin d’évaluer la quantité mais aussi la qualité des apports nutritionnels.
- Une alimentation équilibrée et personnalisée avec :
- Une augmentation des apports nutritionnels en protéines, vitamines et minéraux (fruits, légumes, produits laitiers, viandes maigres).
- Un fractionnement des repas en petites portions plus fréquentes pour encourager l’appétit, et y ajouter des collations.
- Une hydratation adéquate :
La consommation d’eau et de boissons hydratantes doit être suffisante et régulière.
Et, éventuellement :
- La mise en place du portage des repas à domicile
- L’intervention d’une auxiliaire de vie pour la confection des repas
- L’ingestion decompléments alimentaires.
En effet, le recours aux compléments nutritionnels oraux (CNO) pourra être nécessaire pour compenser les carences, lorsque les patients n’arrivent pas à atteindre les recommandations avec l’alimentation classique.
Vous les rencontrez fréquemment au domicile de vos patients sous les appellations Fortimel, Clinutren, Fresubin ou encore Delical.
Une large gamme s’est d’ailleurs développée au fil des années pour s’adapter aux besoins du plus grand nombre.
La gamme actuelle comprend des crèmes desserts, des jus, des boissons lactées ou sans lactose, des soupes, des purées et même des biscuits, permettant à chacun de s’y retrouver et de varier les « plaisirs ».
Ces CNO sont des concentrés d’apports protéiques, vitaminiques et en minéraux, qui complètent l’alimentation habituelle des personnes dénutries.
Ils sont soumis à prescription médicale.
Pour être efficaces, et ainsi éviter le recours à d’autres méthodes plus invasives comme l’alimentation entérale ou parentérale, les recommandations du médecin doivent être respectées.
Mesures de soutien et d’accompagnement :
La mesure la plus élémentaire consiste à adapter l’environnement de la personne dénutrie afin de faire des repas des moments conviviaux, et ainsi encourager la prise alimentaire.
Le soutien des proches et l’intervention des professionnels de santé sont également essentiels dans la prise en charge de la dénutrition de la personne âgée.
Face à une perte de poids inexpliquée ou rapide, il est indispensable d’initier une consultation avec le médecin généraliste afin d’en définir les causes.
Qui plus est, si cette perte de poids est générée par un médicament qui affecterait l’appétit ou la digestion, le médecin pourrait ainsi réajuster sa prise ou changer de molécules.
Un suivi avec un(e) nutritionniste ou un(e) diététicien(ne) peut aussi s’avérer nécessaire, notamment pour établir un programme alimentaire basé sur les recommandations actuelles et, adapté au profil de votre patient(e).
Notez que si vous ne vous sentez pas à l’aise avec ce type de soins, des formations spécifiques existent.
La dénutrition faisant partie des grands axes de la politiques de santé actuelle, plusieurs actions de DPC traitant de ce sujet sont proposées par les organismes agrées.
Vous pouvez donc remplir votre obligation triennale avec l’une d’elle.
L’activité physique pour prévenir la dénutrition :
L’activité physique douce et adaptée, pratiquée régulièrement, viendra compléter la prise en charge pluridisciplinaire de la dénutrition.
Elle est particulièrement indiquée pour :
- Pallier la perte de masse musculaire ou la renforcer,
- Stimuler l’appétit,
- Éviter l’isolement, la solitude et le syndrome anxio-dépressif.
En cas de perte de mobilité, une rééducation avec un kinésithérapeute pour rétablir la force musculaire et la souplesse sera nécessaire.
Pour conclure…
Comme nous venons de le voir, la dénutrition est la pathologie gériatrique la plus répandue.
La dépister de manière précoce, afin de prévenir les chutes, la perte d’autonomie et l’isolement, est primordial pour enrayer ce problème de santé publique, qui pourrait toucher 1 personne âgée sur 5 d’ici à 25 ans.
En tant qu’infirmiers et kinésithérapeutes, vous avez un rôle capital à jouer dans la détection et la prise en charge de la dénutrition.
Alors, n’hésitez pas à vous impliquer, et si vous n’êtes pas à l’aise avec ce type de surveillance, vous pouvez réactualiser vos connaissances avec les actions de formations continues.
Pensez également à impliquer les aidants.
Enfin, si la maladie fragilise et peut induire une dénutrition, la dénutrition, elle, aggrave toujours le pronostic de la maladie.
Alors, en cas de signes d’alerte, n’hésitez pas à initier une consultation avec un médecin, un nutritionniste ou une diététicien(ne) afin d’obtenir un plan nutritionnel adapté à votre patient ou à votre proche.
Rencontrez-vous régulièrement ce type de problème dans votre pratique ?
Quelle en est la cause principale ?
Que leur proposez-vous pour y remédier ?
Enfin, si vous avez aimé cet article, n’hésitez pas à le partager autour de vous.
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