La vaccination est l’un des outils les plus performants et économiques, en matière de santé publique.
Chaque année, elle sauve 2 millions de vie à travers le monde, et a permis l’éradication de la variole, la quasi-disparition des cas de poliomyélite et la baisse de 73 % des cas de rougeole.
Pourtant, depuis quelques années, elle est décriée et a atteint un pic de méfiance avec l’épidémie de Covid.
D’ailleurs, vous devez sans doute faire face à de nombreuses questions ou appréhensions à son égard, dans votre quotidien.
Certains d’entre vous ont peut-être même du mal à se positionner entre leurs convictions personnelles et leurs obligations professionnelles.
Ce qu’il faut retenir dans ce cas, c’est qu’en choisissant d’exercer votre métier d’infirmier(e), vous choisissez aussi de promouvoir la santé publique, et donc de suivre les recommandations en vigueur, y compris celles liées à la vaccination, et ce quelles que soient vos opinions à leur sujet.
En pleine campagne de vaccination antigrippale, le moment est idéal pour refaire un point sur le rôle de la vaccination et vos obligations légales.
Importance de la Vaccination :
La vaccination consiste à nous protéger contre une maladie en stimulant notre système immunitaire, et dans une plus large mesure, elle permet de développer une immunité collective qui freine la circulation du virus et, in fine celle de l’épidémie qu’il provoque.
Prévention :
La vaccination permet de se prémunir contre de nombreuses maladies infectieuses ou en limite leur gravité.
En stimulant les défenses de l’organisme, l’agent vaccinal crée une résistance aux infections ciblées et renforce le système immunitaire.
La vaccination permet aussi de protéger notre entourage, et notamment les plus vulnérables.
Santé publique :
La vaccination permet de réduire les complications liées aux maladies qu’elle couvre, et donc de réduire les coûts : hospitalisations, soins, séquelles, arrêts de travail et absentéisme…
L’Impact des avancées scientifiques :
Avec l’arrivée des vaccins à ARN messager, le vaccin thérapeutique déjà à l’essai en oncologie et les vaccins de nouvelle génération, la vaccination prend une nouvelle dimension, et les recherches évoluent vers d’autres domaines et d’autres maladies (maladies auto-immunes ou d’Alzheimer).
Ces avancées permettent aussi d’améliorer la tolérance et l’efficacité des vaccins déjà sur le marché ou de réévaluer les protocoles et recommandations comme ce fut le cas avec le vaccin HPV, qui a été élargi aux garçons dans un second temps.
Fondamentaux de la vaccination :
La vaccination préventive consiste à administrer une forme atténuée ou inactivée de tout ou partie d’un agent infectieux pour déclencher une réaction immunitaire suffisante pour protéger la personne vaccinée contre les formes graves d’une maladie.
Elle permet aussi d’éviter une infection ultérieure grâce aux cellules immunitaires « mémoires » qu’elle développe, et qui peuvent reconnaître l’agent pathogène dès qu’il est en contact avec l’organisme.
Focus sur la réponse immunitaire :
Il existe deux sortes de réponses immunitaires : l’immunité innée et l’immunité adaptative.
L’immunité « innée » est locale et rapide mais n’est pas spécifique de l’agent infectieux à éliminer.
L’immunité adaptative dépend de l’immunité innée, demande plus de temps avant de réagir, mais est plus efficace et spécifique à l’agent pathogène en cause dans l’infection. C’est cette immunité qui est recherchée avec la vaccination.
Types de Vaccins :
Vaccins vivants atténués :
Ils contiennent des agents pathogènes vivants (bactérie, virus) qui ont été affaiblis. La réponse immunitaire induite est excellente et ces vaccins protègent durablement. On y retrouve le vaccin contre la varicelle ou le ROR.
Ils ne seront pas administrés aux personnes immunodéprimées ou aux femmes enceintes, en raison de leur risque infectieux.
Vaccins inactivés :
Les vaccins inactivés contiennent des microbes entiers qui ont été détruits par la chaleur ou des traitements chimiques.
Si le risque infectieux est nul, ils entraînent des réactions assez violentes (douleurs articulaire et musculaire, fièvre…).
On retrouve les vaccins contre la grippe, la poliomyélite ou l’Hépatite A.
Vaccins à ARN messager :
Les vaccins à ARN messager (ARNm) permet aux cellules de produire de manière transitoire, une protéine de l’agent infectieux ciblé (antigène).
Un article à leur sujet sera disponible prochainement.
Vaccins monovalents, multivalents et conjugués :
Les vaccins monovalents immunisent contre un seul agent pathogène tandis que les vaccins multivalents (ou polyvalents) immunisent contre plusieurs sous-types d’un même virus ou d’une même bactérie, comme c’est le cas avec les vaccins contre le pneumocoque.
Les vaccins combinés, eux, sont composés d’antigènes de différents agents infectieux. Ils sont particulièrement efficaces chez les jeunes enfants. On y retrouve le vaccin.
Les vaccins thérapeutiques :
Ils permettent de lutter contre une maladie en cours, comme un cancer par exemple.
Les vaccins chimériques :
On introduit dans le génome d’une souche vaccinale déjà éprouvée, les gènes du microorganisme pour lequel on souhaite obtenir une réponse immunitaire, comme ce fut le cas avec le vaccin contre la dengue qui a été développé à partir du vaccin contre la fièvre jaune.
Mécanisme d’Action :
Les cellules de notre système immunitaire captent le principe actif du vaccin directement au niveau site d’injection, puis migrent vers le ganglion lymphatique de proximité où les antigènes vaccinaux sont présentés aux lymphocytes T CD4.
Quelques heures après, les lymphocytes T CD4 activent les lymphocytes T CD8 et les lymphocytes B, qui produisent les anticorps spécifiques de l’agent infectieux ciblé par le vaccin.
Les lymphocytes T et B, qui sont nos mémoires immunitaires, et les anticorps spécifiques, nous protègent plusieurs années et nous prémunissent d’une potentielle (autre) infection.
L’efficacité du vaccin varie d’un vaccin à un autre. Elle dépend du microorganisme ciblé, de la technologie vaccinale utilisée et de facteurs personnels (système immunitaire, âge…).
Rôle du rappel :
L’efficacité de la plupart des vaccins diminue au fil du temps.
Une (ou plusieurs) injection supplémentaire peut donc être nécessaire pour stimuler une nouvelle fois la réponse immunitaire, et garantir une protection suffisante.
C’est le rappel vaccinal.
Il dépend du microorganisme ciblé et de la technique utilisée.
Rôle de l’adjuvant :
La plupart des vaccins ne provoquent pas de réponse innée suffisante, d’où la nécessité d’ajouter un adjuvant.
Ils renforcent aussi la réponse immunitaire chez les personnes qui répondent mal à la vaccination.
Schémas vaccinaux :
Le calendrier vaccinal fixe les vaccinations et les rappels à effectuer en fonction de l’âge et de la population cible.
Il est mis à jour chaque année par le ministère de la Santé.
Aspects réglementaires spécifiques aux IDEL :
Vaccins que les IDEL peuvent prescrire et administrer :
Depuis le 10 août 2023, en plus du vaccin antigrippal, vous pouvez prescrire et administrer la plupart des vaccins du calendrier vaccinal aux personnes âgées de 11 ans et plus.
En revanche, vous ne pouvez pas prescrire les vaccins vivants atténués aux personnes immunodéprimées ni chez ceux qui ont des antécédents d’allergie sévère à l’ovalbumine ou à une vaccination antérieure.
Vous ne pouvez pas non plus prescrire les vaccins du voyageur.
En revanche, vous pouvez vacciner sans condition d’âge ou de condition, y compris les immunodéprimés, toute personne ayant une prescription médicale de l’acte de vaccination, en plus de celle du produit.
Tableau récapitulatif :
Moins de 11 ans : | Plus de 11 ans : | |
Coqueluche | Administration sur PM de l’acte d’injection. | Prescription IDE + administration |
Covid-19 | PM pour les 5 ans et plus. Administration chez les enfants à partir de 6 mois. | Prescription IDE + administration |
DTP | Administration sur PM de l’acte d’injection. | Prescription IDE + administration |
Grippe saisonnière | Acte d’injection uniquement | Prescription IDE + administration |
Haemophilus influenza B | Administration sur PM de l’acte d’injection. | Sans objet |
Hépatite A | Administration sur PM de l’acte d’injection. | Prescription IDE + administration |
Hépatite B | Administration sur PM de l’acte d’injection. | Prescription IDE + administration |
Méningocoque | Administration sur PM de l’acte d’injection. | Prescription IDE + administration |
HPV | Administration sur PM de l’acte d’injection. | Prescription IDE + administration |
Pneumocoque | Administration sur PM de l’acte d’injection. | Prescription IDE + administration |
Rage (en cas de préexposition) | Administration sur PM de l’acte d’injection. | Prescription IDE + administration |
Rotavirus | Administration sur PM de l’acte d’injection. | Sans objet |
ROR | Administration sur PM de l’acte d’injection. | Prescription ide et administration (sauf chez les immunodéprimés chez une PM est nécessaire). |
BCG | Administration sur PM de l’acte d’injection. | Prescription ide et administration (sauf chez les immunodéprimés chez une PM est nécessaire). |
Varicelle | Administration sur PM de l’acte d’injection. | Prescription ide et administration (sauf chez les immunodéprimés chez une PM est nécessaire). |
Zona | Sans objet | Prescription ide et administration (sauf chez les immunodéprimés chez une PM est nécessaire). |
VRS | Sans objet | En fonction du calendrier vaccinal et sous réserve de modifications. |
Obligations légales et déontologiques :
Traçabilité :
Le vaccin doit être consigné dans le carnet de vaccination et les systèmes électroniques prévus (ex. Vaccin Covid).
Cette action permet aussi de faire remonter les statistiques inhérentes à la vaccination et d’évaluer la couverture vaccinale.
Information au patient :
Lorsque vous réalisez un vaccin, vous devez informer votre patient des bénéfices attendus par la vaccination, mais aussi des risques et des effets secondaires possibles, et les éduquer sur la conduite à tenir en fonction des symptômes présents.
Formation et droits :
La prescription vaccinale n’est pas obligatoire mais basée sur le volontariat.
Si cette nouvelle compétence vous intéresse, vous devez suivre une formation théorique de 10 h 30, puis déclarer votre nouvelle activité après de votre CDOI de rattachement.
N’oubliez pas de déclarer cette nouvelle activité à votre RCP.
Pensez aussi à consulter régulièrement les mises à jour législatives sur le site du ministère de la Santé.
Vaccination à domicile:
En principe, vous ne pouvez pas stocker les vaccins dans votre cabinet.
Au domicile, vous veillez à ce que votre patient ait bien conservé le vaccin selon les recommandations en vigueur (chaine du froid).
Certains vaccins se présentent sous forme de dose préremplie et directement injectable ; d’autres, nécessitent des manipulations et du matériel supplémentaires. Renseignez-vous en amont afin d’avoir tout le matériel nécessaire.
Et, procurez-vous un ordonnancier si vous n’en avez pas.
Bonnes pratiques :
Une fois le vaccin administré, vous réalisez une surveillance post-vaccinale immédiate pour pouvoir réagir en cas d’effets secondaires.
Prévoyez un kit d’adrénaline pour les cas de réaction anaphylactique sévère.
Outils numériques pour le suivi vaccinal :
Plateformes recommandées :
Le dossier médical partagé (DMP) permet de centraliser les informations médicales de votre patient, dont la vaccination.
D’autres outils peuvent vous faciliter le quotidien, comme les plateformes Vaccin Info, Santé Publique France ou Ameli Pro.
Avantages :
Ces applications vous permettent de proposer un suivi sécurisé et de qualité à vos patients, grâce aux fonctionnalités qu’elles offrent : actualisations en temps réel du calendrier vaccinal et des recommandations, programmation automatisée des rappels, simplification de la traçabilité et de la coordination ….
Cas particuliers en vaccination :
L’adaptation aux cibles :
Certaines précautions ou adaptations peuvent être nécessaires en fonction de la cible ou de l’état de santé de votre patient.
Par exemple, les personnes âgées seront prioritairement vaccinées contre la grippe, le pneumocoque et le zona, tandis que les enfants et les adolescents seront surtout concernés par les rappels DTP et HPV.
Vaccination des Professionnels de Santé :
En tant que professionnels de santé, vous êtes soumis à une obligation vaccinale, comme c’est le cas avec le vaccin contre l’Hépatite B ; d’autres sont fortement recommandés.
Défis actuels et perspectives :
Désinformation et réticences vaccinales :
Pour faire face aux Fake news et aux idées reçues sur la vaccination, vous devez transmettre les informations fiables, basées sur les preuves scientifiques. Pour cela, n’hésitez pas à réactualiser vos connaissances.
Innovations à venir :
Nous l’avons mentionné, la vaccination évolue et les essais en cours sont nombreux.
Parmi les innovations attendues, nous relèverons :
- Les vaccins universels contre la grippe ou le COVID-19.
- Les vaccins sans aiguille : patchs, vaccins par voies orale (rotavirus), sublinguale, nasale (vaccin vivant atténué antigrippal), rectale ou vaginale…
- Les vaccins thérapeutiques « prêts à l’emploi » et accessibles à tous.
Plusieurs pistes sont explorées pour améliorer les vaccins existants ou en créer des nouveaux qui agiraient sur des agents infectieux impossibles à inactiver : atténuation par génie génétique, vaccination génique…
En France, un nouveau vaccin contre la coqueluche est en cours de développement.
Et, la recherche se poursuit pour mettre au point un vaccin contre le Clostridium difficile.
Enfin, de nouvelles souches microbiennes apparaissant régulièrement à travers le monde, certaines techniques inédites comme l’ARNm sont rapidement mises en place pour enrayer les épidémies.
Focus sur le VIH :
Le virus mutant très rapidement, les résultats sont peu concluants.
L’essai actuel repose sur un vaccin à base d’anticorps monoclonal qui cible les cellules dendritiques, cellules clés de la réponse immunitaire.
Pour conclure…
La vaccination est l’un des outils les plus efficaces en matière de santé publique.
Pourtant, la méfiance à son égard ne cesse de grandir, et vous devez parfois déployer une énergie incroyable pour convaincre vos patients ou vos proches de son rôle majeur dans la prévention des maladies infectieuses évitables qu’elle couvre, et qui peuvent avoir des conséquences dramatiques.
Alors, si vous souhaitez agir et prescrire les vaccins, n’hésitez pas à vous inscrire à une action de DPC pour acquérir cette nouvelle compétence, réactualiser vos connaissances, et délivrer un message clair au sujet de la vaccination.
Que pensez-vous de cette nouvelle compétence ?
Avez-vous déjà prescrit les vaccins du calendrier vaccinal ?
Enfin, si vous avez trouvé cet article utile, n’hésitez pas à le partager à vos collègues et à votre entourage.
Source :
https://www.santepubliquefrance.fr