Réforme Idel : Ce qui change en 2025 pour les infirmiers

Elle constitue la première étape du processus de refonte de la profession, et cette réforme du métier arrive à point nommé, dans un contexte de tensions et de lassitude.

Alors que contient la Loi infirmière, et que va-t-elle concrètement changer pour vous et pour vos patients ?

C’est ce que nous verrons ci-après.

Baisse d’attractivité du métier :

Si sur le papier le métier d’infirmier semble attractif quand on se base sur les statistiques provenant de la plateforme Parcoursup, dans la réalité, un élève infirmier sur cinq abandonne en cours de formation.

Même constat pour les infirmiers déjà en poste, et qui sont de plus en plus nombreux à se reconvertir en cours de carrière, et ce quel que soit leur type d’exercice.

Le manque de reconnaissance, la pénibilité du travail, les salaires, jugés insuffisants, l’absence de cadre légal d’actes délégués, et les lourdeurs administratives ont souvent raison de votre vocation.

Ce mal-être et la perte de sens de la profession pèsent sur l’attractivité du métier.

illustration infirmière

Décret de compétences et textes réglementaires inadaptés :

Comme vous le savez, votre profession est régie par le Décret de compétences de 2004, qui dresse la liste exhaustive des actes professionnels que vous pouvez réaliser au quotidien.

Or, à l’heure actuelle, vous ne soignez plus les patients de la même manière qu’il y a vingt ans, les technologies, les objectifs, et les moyens ayant évolué.

Il est donc temps de dépoussiérer et d’actualiser les textes qui encadrent votre profession, en y intégrant les nouvelles compétences acquises telles quela prescription de la vaccination ou la rédaction de certificats de décès par exemple.

Et, d’en profiter pour commencer à réfléchir dès aujourd’hui aux évolutions que pourrait encore amener l’Intelligence Artificielle, qui révolutionne notre système de santé depuis quelques années déjà.

Anticiper les soins de demain vous épargnerait un nouveau flou juridique qui vous ferait avancer sur une corde raide pendant plusieurs décennies.

Évolution de vos missions et de vos responsabilités :

Le virage ambulatoire, l’essor de la e-santé, la politique de santé actuelle centrée sur la prévention, mais aussi la désertification médicale, ont fait évoluer vos missions, et avec elles, vos responsabilités.

Pour acter et encadrer cet élargissement de compétences, la délégation de certains actes médicaux, et pour sécuriser votre exercice, cette refonte de la profession est indispensable.

Revalorisation de la profession et réaffirmation de vos missions socles :

L’Article L. 4311-1 et les suivants, précisent que vous exercez votre activité, en propre ou sur prescription, en complémentarité avec les autres professionnels de santé, et dans le respect du code de déontologie.

Ils précisent aussi que vous :

  • Initiez, réalisez, organisez et évaluez les soins infirmiers,
  • Effectuez des consultations infirmières,
  • Posez des diagnostics infirmiers,
  • Prescrivez les produits de santé et les examens complémentaires nécessaires à l’exercice de votre profession.

La loi infirmière réaffirme vos missions qui consistent à :

  • Dispenser des soins infirmiers préventifs, curatifs, palliatifs, relationnels ou destinés à la surveillance clinique, procéder à leur évaluation et assurer la conciliation médicamenteuse.
  • Dispenser les soins relationnels, qui s’inscrivent dans une prise en charge globale du patient, et qui permettent d’apporter un soutien psychologique et un support thérapeutique.
  • Contribuer à l’orientation de votre patient ainsi qu’à la coordination et à la mise en œuvre de son parcours de santé.
  • Participer à la prévention, aux actions de dépistage, aux soins éducatifs à la santé, à la santé au travail, à la promotion de la santé et à l’éducation thérapeutique de votre patient et de son entourage, si besoin.
  • Concourir à la formation initiale et à la formation continue des étudiants, de vos pairs et des professionnels de santé placés sous votre responsabilité.

Élargissement des compétences :

D’autres missions ont été intégrées, parmi lesquelles :

  • Votre participation aux soins de premier recours en accès direct, dans le cadre de votre rôle propre et de votre rôle prescrit.
  • La mobilisation des données probantes dans la pratique professionnelle et votre contribution à la recherche infirmière.

Outre la reconnaissance de vos missions socles et la sécurisation des nouvelles compétences, la Loi infirmière introduit les notions de la consultation infirmière et du diagnostic infirmier, chères à la profession, et acte votre droit de prescrire.

Elle réaffirme l’importance de votre rôle dans les soins relationnels, intègre l’orientation des patients pour un accompagnement adapté et personnalisé, et précise votre rôle dans les prises en charge médicamenteuses, par le biais de la conciliation médicamenteuse.

La conciliation médicamenteuse :

La conciliation médicamenteuse consiste à s’assurer de la cohérence et de la continuité des traitements prescrits chez votre patient, notamment en cas d’hospitalisation.

Elle permet de sécuriser la prise en charge médicamenteuse des patients, et d’éviter les erreurs, les oublis ou les interactions médicamenteuses.

La consultation infirmière :

Si vous la pratiquez déjà de manière informelle depuis de nombreuses années, lorsque vous réalisez un bilan de plaie initiale, de douleur, de dépendance, de prévention, vaccinal, préopératoire ou postopératoire, aujourd’hui, la notion de consultation infirmière, est actée.

Elle fera l’objet de dispositions réglementaires ultérieures.

Accès direct aux soins de premier recours :

Créé dans les années 70 dans les pays anglo-saxons, pour faciliter l’accès aux soins des patients et désengorger les services d’urgences et les cabinets de médecine de ville, le concept de l’accès direct commence à se développer chez nous.

Après les kinésithérapeutes, que l’on peut consulter en accès direct depuis 2023, sous certaines conditions, dans le cadre d’un bilan pour lombalgie ou pour suspicion d’entorse de cheville, c’est à votre tour d’être inclus dans ce service, qui permet à votre patient de bénéficier de votre expertise, sans passer par un avis médical.

Les motifs d’accès restent à définir mais seront adaptés à vos compétences reconnues telles que l’évaluation de la dépendance ou des plaies.

En revanche, si la consultation médicale préalable n’est pas nécessaire, la transmission des informations et la coordination avec le médecin resteront au cœur de ces prises en charge afin de garantir la continuité et la sécurité des soins.

Mais, pas de panique, vous allez avoir le temps de vous familiariser avec ce concept, puisque la proposition de Loi prévoit de passer par une expérimentation sur 5 territoires et dans des structures d’exercice coordonné, avant de la déployer totalement.

Nous l’avons évoqué, depuis quelques années, la profession évolue et tend à se « spécialiser », pour combler une demande de soins en constante progression, et palier une difficulté d’accès aux soins dans les zones les plus reculées.

C’est ainsi que sont nés les CPTS, les maisons de santé et les Infirmiers en Pratique Avancée, qui interviennent notamment dans le suivi des patients chroniques.

Les IPA :

Par son diplôme de grade Master, l’IPA a un statut particulier grâce aux compétences transversales qu’il a acquises, aux responsabilités élargies qui lui sont attribuées, et à son accès direct en consultation.

Il joue un rôle primordial dans la coordination du parcours de soins, et collabore étroitement avec les médecins généralistes.

Et, ce rôle est appelé à s’étendre, puisque leur champ d’intervention devrait intégrer les PMI, la santé scolaire ou encore les services d’aide sociale à l’enfance.

Aujourd’hui, ils sont un des recours de choix pour les soins proximité.

En revanche, pour aller au bout du rôle qui leur est attribué, les IPA souhaitent désormais avoir leur propre convention, pour pouvoir entamer leurs négociations : rémunération, publication d’un arrêté sur la primo-prescription…

Et, pour clarifier leur positionnement dans l’offre de soins, ils souhaitent aussi que leur statut soit reconnu comme un statut médical intermédiaire, puisqu’ils interviennent déjà en premier recours.

Les infirmiers spécialisés :

Si la compétence des IPA est reconnue, les spécialités infirmières telles que le bloc opératoire (IBODE), l’anesthésie (IADE) ou la puériculture… le sont moins ou pas de la même manière.

C’est la raison pour laquelle les infirmiers spécialisés souhaitent que les actes qui découlent de leur spécialité soient reconnus comme une forme de pratique avancée, et que leur « profession » et leur pratique évoluent aussi.

À l’heure actuelle, le législateur réfléchit à la manière d’accéder à cette demande, qu’il juge légitime, sans toutefois fragiliser le rôle de l’IPA.

Le référentiel :

Le nouveau référentiel, qui doit remplacer la maquette actuelle qui date de 2009, est attendu pour la rentrée de septembre 2026.

Il devra tenir compte du Décret n° 2024-1134 du 4 décembre 2024, qui porte notamment à 4.600 le nombre d’heures d’enseignements théoriques et cliniques, soit 200 heures de théorie et 200 heures de pratique de plus qu’aujourd’hui.

Et, intégrer les nouveaux outils et savoirs, en lien avec l’évolution de la profession dont les compétences numériques.

La formation :

Si revoir la formation des infirmiers pour l’adapter aux nouvelles compétences semble couler de source, elle n’était pas incluse dans la proposition de loi du 10 mars dernier, et les propositions à son sujet ont donc été rejetées.

Le débat sur la 4ème année d’étude :

Certaines instances estiment qu’il faut professionnaliser la formation des élèves infirmiers, pour mieux les accompagner et les ancrer dans le métier.

Cela passerait par une 4ème année d’étude, qui prendrait la forme d’un stage pratique rémunéré dans le service de prédilection de l’élève, où il pourrait acquérir les compétences spécifiques nécessaires à son intégration, une fois son diplôme en poche.

D’autres instances estiment que la durée actuelle de la formation est déjà suffisamment éprouvante pour les élèves infirmiers, et pointent du doigt les problèmes que poseraient l’année blanche de transition, en privant les structures de soins de milliers de jeunes diplômés.

Quoi qu’il en soit, la réforme de la formation, qui dépend de l’orientation donnée à la profession, ne pourra intervenir qu’une fois la Loi infirmière bouclée (missions, compétences, et référentiel).

Communiquer sur nos compétences et nos missions :

Déjà réticents aux IPA, certains médecins voient l’élargissement de vos compétences d’un mauvais œil, comme nous le font savoir leurs syndicats, inquiets d’une éventuelle confusion que pourrait entraîner la terminologie employée pour qualifier certaines de vos compétences, jusqu’ici réservée au domaine médical.

Or, si le terme de « consultation infirmière » est relativement nouveau, celui du « diagnostic infirmier » a été évoqué pour la première fois en 1953 par Virginia Fry, avant d’être généralisé dans les années 70.
D’ailleurs, vos diagnostics infirmiers sont actualisés tous les 2 à 3 ans pour tenir compte des évolutions de la profession, et de vos missions.

Qui plus est, les médecins, prescripteurs de soins infirmiers, devraient normalement avoir déjà entendu parler de cette notion de diagnostics infirmiers, lors de la signature de vos démarches et bilans de soins, qui rappelons-le sont au cœur de votre métier.

Pour ménager les susceptibilités et éviter les amalgames, communiquer sur ces nouveaux rôles est nécessaire.

D’une part, cela rassurerait les médecins, qui restent au cœur du système de soins ; d’autre part, cela éviterait de semer le trouble dans l’esprit des patients.

L’élargissement de vos compétences, qui a pour vocation de renforcer votre collaboration avec le médecin pour une coordination optimale du parcours de soins, n’a pas pour objectif de vous substituer aux médecins, et l’exercice illégal de la médecine en est le garant. À vous de le rappeler aux médecins.

La Loi infirmière est un premier jet, qui nécessitera :

La révision de la nomenclature des actes infirmiers et de leur tarification.

Des adaptations et des approfondissements.

Une réévaluation et une redéfinition des référentiels qui devront tenir compte des nouvelles compétences, et de la refonte de la profession, qui commence à peine.

La Loi infirmière acte des compétences et des pratiques, que vous utilisiez déjà dans votre quotidien, et qui n’étaient pas reconnues jusqu’ici.

Grâce à la consultation, le droit de prescription encadré et les perspectives d’évolution des infirmiers spécialisés vers la pratique avancée, elle renforce votre rôle.

Mais, si la Loi infirmière va dans le sens de la reconnaissance de la profession et l’élargissement de vos compétences, en l’état, elle ne constitue que la première étape dans l’évolution de la profession et l’amélioration de la prise en charge de vos patients.

Maintenant, reste à voir si les négociations conventionnelles et les textes réglementaires attendus seront à la hauteur des espoirs de votre profession.

D’ici là, souhaitons que le Sénat, qui doit voter cette loi dans le cadre d’une procédure accélérée, abonde dans ce sens, car à ce stade, la proposition de Loi peut être modifiée jusqu’à son adoption finale.

Rendez-vous mi-juin pour la suite de ce programme ambitieux.

Source :

Ministère de la Santé

Assemblée nationale

ONI

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