Il y a 3 mois, la semaine de la dénutrition s’achevait.
Différents acteurs de la santé y ont assisté.
Il en est ressorti que si la dénutrition est bien connue des professionnels de santé, les 2/3 ne la définissent pas comme une maladie.
La majorité estime qu’il est normal de maigrir en présence d’une maladie cancéreuse ou avec l’âge, et passe à côté du dépistage de la dénutrition, qui, rappelons-le, complique, aggrave et engage le pronostic vital, quand il n’est pas détecté précocement, et pris en charge correctement.
La dénutrition reste donc mal diagnostiquée, et est devenue un problème de santé publique, qui pèse sur la qualité de vie de vos patients et sur les Finances Publiques.
Aujourd’hui, on estime qu’elle touche plus de 2 millions de personnes, dont 20 à 25% sont âgées de plus de 70 ans.
La dénutrition ne touche pas que les séniors vivant seul à domicile : 20 à 40 % des patients hospitalisés sont dénutris, ainsi que 270 000 des séniors résidant en EHPAD.
Or, quand elle est décelée et traitée, elle évolue favorablement.
Si l’on vous identifie comme professionnel de proximité dans sa prise en charge, vous êtes 8 sur 10 à ne pas avoir complété votre formation initiale, et plus de 6 sur 10 à être intéressés par une formation complémentaire afin de réactualiser vos connaissances.
Mais, outre ce problème de compétences, se pose aussi la question de votre place dans cette prise en charge nutritionnelle, entre le médecin généraliste, le diététicien ou le nutritionniste.
Alors, pourquoi se former et comment intégrer ces nouvelles compétences dans votre pratique ?
C’est ce que nous verrons ci-après.
Le rôle central des infirmiers dans la gestion de la dénutrition :Focus sur les soins primaires :
Focus sur les soins primaires :
Avant d’évoquer votre rôle dans la gestion de la dénutrition, rappelons brièvement ce que sont les soins primaires.
Durant votre cursus de formation initiale, vous en avez tous entendu parler. Ces soins de premier recours sont considérés comme le fondement de tous les systèmes de santé, comme l’a encore réaffirmé l’OMS en 2018, avec la Déclaration d’Astana.
Les soins primaires comprennent :
– La prévention, le dépistage, le diagnostic, le traitement et le suivi des patients.
– La dispensation, le conseil et l’administration des médicaments et dispositifs médicaux.
– L’orientation dans le système de soins.
– L’éducation pour la santé.
Ils s’appuient sur des méthodes, des outils et des pratiques scientifiquement validés et accessibles à tous.
L’alimentation, et plus particulièrement l’équilibre alimentaire, fait partie de ces soins essentiels qu’il faut promouvoir. Et, en tant qu’acteur du système de soins, vous êtes compétents pour les intégrer dans votre pratique.
Rôle de première ligne :
Depuis des années, le mot « prévention » est sur toutes les lèvres dès qu’on parle de maladies cardiovasculaires ou cardiométaboliques, de cancers, et même de démences, y compris la maladie d’Alzheimer, qui touche 52 millions de personnes dans le monde, chiffre qui devrait tripler d’ici à 25 ans, si on n’agit pas en amont.
La prévention fait partie de vos missions. Elle est même au cœur de votre rôle propre.
Votre statut d’infirmier à domicile vous permet donc d’intervenir en toute légitimité dans la lutte contre la dénutrition.
Pour cela, d’une part, vous observez quotidiennement vos patients (poids, appétit, habitudes alimentaires …) ; d’autre part, vous dépistez les signes précoces de dénutrition (perte de poids, fonte musculaire, fatigue …).
Surveillance nutritionnelle :
Pour surveiller l’état nutritionnel de vos patients, vous utilisez les outils habituels et reconnus tels que l’IMC, les critères HAS, et le Mini Nutritional Assessment (MNA).
Vous complétez votre surveillance par le suivi des apports alimentaires, et leur adaptation en fonction des besoins de votre patient.
Collaboration pluridisciplinaire :
Le succès de cette prise en charge réside aussi dans le travail en équipe, alors n’hésitez pas à collaborer et à communiquer efficacement avec les diététiciens, médecins, et autres professionnels de santé afin d’élaborer un plan nutritionnel adapté et personnalisé.
Formation en nutrition : un levier pour améliorer les compétences infirmières :
Les lacunes actuelles dans la formation :
Pour rappel, l’article R-43311 du Code de la santé publique inclut la « surveillance de l’hygiène et de l’équilibre alimentaire », dans la liste des actes de soins que vous pouvez réaliser.
À cela s’ajoute l’acte de « soins et surveillance des patients en assistance nutritive entérale ou parentérale » et l’acte de « recueil des observations susceptibles de concourir à la connaissance de l’état de santé de la personne ».
Le repérage de la dénutrition en fait donc partie.
En règle générale, votre formation initiale inclut les notions de déshydratation et de dénutrition des séniors, et les règles alimentaires à associer aux maladies courantes : maladies cardiovasculaires, diabète, constipation …
Mais, ces modules ne semblent pas suffisants pour que vous vous sentiez à l’aise avec les questions nutritionnelles, le dépistage et la prise en charge de la dénutrition.
Et, c’est encore plus vrai quand l’obtention de votre diplôme date.
Non seulement les recommandations en matière de nutrition ne sont plus à jour, mais les problèmes plus contemporains tels que l’allergie alimentaire ou le microbiote, n’y ont sans doute pas été abordés.
L’importance de la formation continue :
Heureusement, il existe différentes formations vous permettant d’actualiser vos connaissances sur les dernières recommandations (HAS 2023), et de développer des compétences pratiques en évaluation nutritionnelle.
N’hésitez pas à vous inscrire à l’une d’elles, car toutes les pistes actuelles convergent vers l’importance de l’équilibre alimentaire dans la gestion des maladies dites de civilisation, que le contrôle des cofacteurs environnementaux pourrait améliorer ou stabiliser.
Avec le sommeil, la gestion des émotions et l’activité physique, l’alimentation fait partie des 4 piliers qui permettent aujourd’hui de prévenir ou d’agir sur ces maladies : ils se complètent et doivent être associés et intégrés à vos prises en charge.
Modules clés à intégrer dans les formations :
Bien sûr, il y a formation et formation, et dans cette offre pléthorique, vous ne savez parfois pas où donner de la tête.
Ce qu’il faut retenir, c’est qu’accompagner les personnes âgées dans le maintien d’une alimentation adaptée à leurs besoins, à travers les âges et les périodes clés de leur vie, nécessite de connaître le calcul du métabolisme de base et les besoins nutritionnels.
Une bonne formation sur la nutrition doit donc au minimum aborder les points suivants :
L’éducation thérapeutique des patients et de leur entourage.
Les besoins nutritionnels de l’homme dont la notion de métabolisme de base.
Le comportement alimentaire.
Le statut et le suivi nutritionnels : évaluation, dénutrition et malnutrition, surpoids et obésité, troubles du comportement alimentaire … avec des techniques adaptés (outils d’évaluation, indicateurs cliniques…).
Les différents régimes et conseils hygiéno-diététiques toutes pathologies et/ou traitements confondus : hyposodé, texture modifiée, sans résidus, constipation, diabétique, corticothérapie …
Impact de la formation sur la prise en charge de la dénutrition :
De plus en plus d’études montrent l’importance de l’alimentation sur la santé.
Si dans l’esprit populaire, les diététiciens sont les références en matière d’équilibre alimentaire, d’autres professionnels peuvent répondre aux différentes questions que se posent les patients au quotidien.
D’autant que tous ne sont pas dirigés vers un diététicien, et que la consultation n’est pas remboursée par les organismes d’assurance maladie, ce qui peut constituer un frein pour les personnes aux revenus modestes, qui sont pourtant celles qui ont le plus de problèmes liés à la nutrition.
Ces patients peuvent alors se tourner vers vous pour les questions nutritionnelles.
Qui plus est, en participant à des actions de formation, non seulement vous acquérez des connaissances supplémentaires, vous améliorez vos pratiques, mais vous apportez des réponses et des conseils de qualité à vos patients.
Amélioration du dépistage :
Grâce à elles, vous êtes plus attentifs à l’équilibre alimentaire de vos patients, et détectez plus précocement les cas de dénutrition.
Prise en charge adaptée :
Qui plus est, vous savez adapter les interventions nutritionnelles aux besoins spécifiques de vos patients.
Prévention des complications :
Ce faisant, vous participez à la baisse des durées des séjours hospitaliers, des réadmissions, et des risques d’infections.
Et, quand la dénutrition n’est ni décelée ni traitée, il est de votre rôle de la signaler.
Valorisation du rôle infirmier :
Enfin, votre rôle propre est remis au centre du soin, et votre implication dans la gestion globale des patients s’en trouve renforcée.
Les outils et ressources pour renforcer la formation en nutrition :
Formation continue et certifications :
Dirigez-vous vers des organismes certifiés, dont le contenu des formations est validé par les organismes agréés.
Et, si vous souhaitez vous investir pleinement dans cette voie, vous pouvez également vous engager dans une formation universitaire, telle que le DU Nutrition, ou certaines certifications, y compris accessibles en ligne, si c’est la flexibilité que vous recherchez.
Utilisation d’outils pratiques :
Certains outils peuvent vous aider dans le dépistage de la dénutrition. On y retrouve notamment, les :
- Applications numériques pour suivre les apports alimentaires et calculer l’IMC.
- Fiches d’évaluation standardisées (MNA, critères HAS).
Ateliers pratiques et simulations :
Vous pouvez également participer à certains ateliers pour compléter vos compétences. Ils existent sous plusieurs formes dont les :
- Études de cas cliniques pour apprendre à dépister et intervenir.
- Simulations pour développer des compétences pratiques.
Approche interdisciplinaire :
Certaines formations incluent différents professionnels, avec lesquels vous êtes habitués à travailler : diététiciens, médecins, pharmaciens…
Ces sessions de formation enrichissent les échanges, vous permettent de confronter vos idées, et de faire évoluer les prises en charge. N’hésitez pas à y participer pour avoir une vue d’ensemble sur le problème, et réfléchir à la manière de le résoudre collectivement.
Comment intégrer la nutrition dans les soins quotidiens des infirmiers ?
Nous l’avons vu, vous positionner entre les différents professionnels habilités à intervenir sur les questions nutritionnelles n’est pas évident.
Clarifier vos champs d’intervention respectifs est indispensable afin d’éviter les « guerres fratricides », comme celle que vous avez vécue quand les pharmaciens se sont emparés des vaccins pour augmenter la couverture vaccinale.
Sensibilisation des patients et familles :
Pour lutter contre la dénutrition, il faut tout d’abord la dépister, puis éduquer et sensibiliser vos patients et leur entourage sur l’importance d’adopter une alimentation équilibrée et adaptée aux besoins spécifiques.
Ensuite, vous proposez des solutions pratiques : recettes enrichies, conseils sur les textures alimentaires, etc.
Intégration dans les soins courants :
Apprenez à identifier les patients à risque avant l’apparition des symptômes, et planifiez des interventions nutritionnelles dès les premiers signes de dénutrition.
Ensuite, intégrez les indicateurs nutritionnels dans votre surveillance clinique habituelle, et adaptez les soins en fonction des progrès ou des besoins de votre patient.
En revanche, s’il est évident que pour encourager des modifications des comportements alimentaires, il faut comprendre les besoins psychologiques, connaître les besoins nutritionnels et le contexte spécifique à chaque patient, aucun ne s’est encore demandé comment intégrer cette compétence, qui demande du temps, à la pratique.
Entre des tournées chargées et des journées bien remplies, cette question peut non seulement se poser, mais sa rémunération mérite aussi d’être évaluée.
Enfin, pour être pleinement efficace, votre propre équilibre alimentaire doit être respecté.
Or, il n’est pas toujours facile de s’octroyer une pause déjeuner quand on cumule les heures de travail. Cette formation en nutrition peut aussi vous proposer des pistes pour mieux prendre soin de vous, et ça passe par le respect de vos besoins physiologiques, et donc de l’alimentation.
Pour conclure…
Comme nous venons de le voir, la dénutrition est un problème complexe qui nécessite une détection et une prise en charge précoces.
Si l’on a bien conscience que vous avez un rôle à jouer dans sa gestion, d’une part, des lacunes dans la formation initiale limitent le succès escompté, et les pouvoirs publics doivent développer des programmes de formation plus complets ; d’autre part, il est nécessaire de mieux définir votre champ d’intervention, et la juste rémunération de cet acte de prévention, pour asseoir votre légitimité dans la lutte contre la dénutrition.
Pour conclure, est-ce une compétence qui pourrait vous intéresser ?
Comment pensez-vous l’intégrer dans votre pratique ?
Enfin, si vous avez aimé cet article, n’hésitez pas à le partager autour de vous.
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