Liste des anticoagulants et leurs implications dans les soins

Phlébites, thromboses superficielles ou profondes, AVC, embolie pulmonaire ou encore infarctus du myocarde sont autant de pathologies qui peuvent être évitées avec une hygiène de vie et un traitement adaptés.

Parmi les traitements de choix de la maladie thromboembolique, on retrouve les anticoagulants qui sont prescrits à plusieurs millions de Français chaque année.

Or, ce traitement n’est pas sans risque : hémorragie en cas de surdosage ; survenue ou récidive des troubles thromboemboliques en cas de sous-dosage…

Ces complications, pourtant évitables, sont responsables de nombreuses hospitalisations chaque année.

Les nouveaux anticoagulants oraux comportent moins de risques, mais il n’y a pas toujours d’antidote. 

La prévention des risques liés aux anticoagulants et la prise en charge des pathologies cardiovasculaires constituent un enjeu de santé publique inscrit dans la stratégie nationale. 

Et, la place de l’infirmièr(e) y est primordiale aussi bien dans le pistage des risques d’apparition d’une maladie cardiaque ou de son aggravation, qu’en matière d’éducation ou de prévention.

D’autant plus que la plupart des patients sous anticoagulants sont polymédiqués et que la multiplicité des classes médicamenteuses majore encore la iatrogénie.

Alors quels sont les anticoagulants prescrits en 2024 ? Et, comment mieux encadrer le suivi d’un patient sous anticoagulant ?

Les anticoagulants fluidifient le sang dans les vaisseaux sanguins afin de prévenir des maladies où des caillots migrent et bouchent des petits vaisseaux (poumons ou cerveau, par exemple).

Les anticoagulants sont donc prescrits en cas de :

  • phlébites,
  • thromboses veineuses profondes,
  • embolie pulmonaire ou cérébrale,
  • certains infarctus du myocarde,
  • certains troubles du rythme cardiaque comme la fibrillation auriculaire, et
  • en cas de valve cardiaque artificielle.

Il peut aussi être prescrit aux personnes temporairement immobilisées suite à une fracture d’un membre inférieur ou à certaines interventions chirurgicales lourdes : prothèse de hanche ou de genou par exemple.

boites d'anticoagulants posés sur une table

Il existe 2 classes d’anticoagulants oraux : les antivitamines K (AVK) utilisés en cas de fibrillation auriculaire (valvulaire ou non valvulaire) et les anticoagulants oraux d’action directe (AOD) utilisés en cas de fibrillation auriculaire non valvulaire.

Il existe également des anticoagulants injectables.

Les anticoagulants injectables :

Parmi les anticoagulants injectables, on retrouve principalement :

  • Les héparines de bas poids moléculaire (HBPM),
  • Les héparines standards non fractionnées (HNF) et,
  • Le fondaparinux, un antithrombotique.

Ces médicaments empêchent la formation d’un thrombus. Ils sont injectés par voie intraveineuse ou par voie sous-cutanée en fonction de la molécule choisie.

À faibles doses, ils sont plutôt indiqués à titre préventif (prévention primaire) tandis que prescrits à fortes doses, ils auront plutôt une action curative ou préventive secondaire, et seront généralement recommandés dans les pathologies aigües et sur des durées limitées.

Leur utilisation est particulièrement adaptée à la femme enceinte y compris sur le long terme.

Il faudra toujours mettre en balance le risque hémorragique que peut induire les anticoagulants avec les bénéfices escomptés.

 Mécanisme d’action :Médicament :
HNFInhibition des facteurs IIa et Xa  Héparines calcique et sodique
HBPMInhibition des facteurs IIa et Xa  Daltéparine, Enoxaparine, Nadroparine, Tinzaparine
HéparinoïdeInhibition des facteurs IIa et Xa  Danaparoïde
 Activité anti-facteur Xa exclusiveFondaparinux
HirudinesActivité anti-facteur IIa exclusiveDésirudine, Lépirudine, Bivalirudine

Les anticoagulants par voie orale :

Les antivitamines K :

Les antivitamines K sont indiquées dans la prévention des accidents thrombo-emboliques, notamment en cas de fibrillation auriculaire valvulaire et non valvulaire. Elles agissent en bloquant partiellement l’activité de la vitamine K, indispensable à la coagulation du sang.

On distingue deux classes d’AVK :

  • Les dérivés coumariniques, l’acénocoumarol (Sintrom® et Minisintrom®) et la warfarine (Coumadine®), et
  • Les dérivés de l’indanedione, par la fluindione (Previscan®).

En France, le Previscan® est majoritairement prescrit.

Une surveillance de l’INR est nécessaire.

Les nouveaux anticoagulants oraux (NACO) :

Il s’agit d’une nouvelle classe d’anticoagulants oraux qui est apparue il y a 15 ans environ. Ce sont des anticoagulants oraux directs.

Parmi ceux-ci, on retrouve :

  • Apixaban (Eliquis), Rivaroxaban (Xarelto), Edoxaban (Lixiana) qui sont des inhibiteurs directs du facteur Xa,
  • Dabigatran (Pradaxa) qui est un inhibiteur direct de la thrombine.

Ils sont généralement prescrits en relais du traitement injectable (héparine).

Leur effet est progressif et ils atteignent leur seuil d’efficacité maximale après environ 10 jours d’utilisation.

Ils nécessitent un suivi renforcé car il n’existe pas encore de test de routine pour contrôler leur efficacité et le risque hémorragique.

L’observation du patient est donc capitale.

Il faudra relever et signaler tout signe évocateur d’un surdosage : saignement des gencives, sang dans les selles ou dans les urines, hématomes spontanés, fatigue inhabituelle, pâleur importante…

Voici une synthèse des anticoagulants que vous pouvez retrouver au domicile de vos patients :

Famille :Sous-typeAnticoagulantsIndications
Anticoagulants injectablesHNFCalciparine Héparine calcique                                   Héparine sodiqueTraitement préventif des compli-cations thrombo-emboliques en post-opératoire ou en cas d’alitement prolongé.   Traitement curatif des TVP, EP, IDM, angors…   TTT des FA en phase aiguë…     Circulation extracorpo-relle et d’épuration extra-rénale  
 HBPMFragmine Fraxiparine Fraxiparine Inhixa Innohep               EnoxaparineProphylaxie des MTEV (maladies thrombo-emboliques veineuses)   TTT des TVP et des EP.   TTT angor instable et IDM en phase aigüe.
Antithrombotiques Arixtra = FondaparinusPrévention des TVP   Post-op orthopédie   Traitement de l’EP
Anticoagulants orauxAVKCoumadine (warfarine)   Sintrom et Minisintrom (Acénocou-marol)     Préviscan (Fluindione)Prothèses valvulaires mécaniques   Prévention des complications thrombo-emboliques des cardiopathies emboligènes.   Prévention des complications thrombo-emboliques des infarctus du myocarde compliqués, en relais de l’héparine.    Traitement des TVP et des EP en relais de l’héparine.
 NACOPradaxa (Dabigatran)   Xarelto (Rivaroxaban)   Eliquis (Apixaban)                   Lixiana (Édoxaban)Prévention des MTEV dans le cadre d’une chirurgie pour prothèse de hanche ou du genou.   Prévention des AVC et des TVP dans le cadre d’une FA non valvulaire.   TTT des TVP.  

Avantages :


Ils sont efficaces en prévention des accidents thromboemboliques.

Les restrictions alimentaires sont moins importantes et, notamment en cas de traitement par AOD.

La surveillance médicale est également moins lourde avec les AOD.

Inconvénients :


Cependant, les risques de saignements sont majeurs.

Le traitement par AVK impose un contrôle régulier de l’INR qui peut vite être contraignant pour votre patient.

Le coût des AOD peut être un frein à leur prescription et leur accessibilité peut aussi être soumise à quelques contraintes non négligeables.

Avant la mise en place d’un traitement par anticoagulant, on contrôle les fonctions rénale et hépatique puis, régulièrement en cours de traitement.

Les AVK sont déconseillées en cas d’IR modérée et contre-indiquées en cas d’IR sévère.

Surveillance des AVK :

En début de traitement, on contrôle l’INR tous les 2-3 jours ; en cours de traitement, on le surveille 1 à 2 fois par semaine puis on passe à contrôle mensuel.
En cas de changement de posologie, on contrôle à J3 puis 1 à 2 fois par semaine jusqu’à stabilisation de l’INR.

Le suivi régulier de l’INR est primordial pour contrôler l’efficacité du traitement mais aussi pour ajuster les posologies en fonction des résultats de l’INR.

Pour les HNF et les HBPM, on recommande une surveillance plaquettaire 2 fois par semaine pendant 21 jours et une fois toutes les 4 semaines en cas de traitement au long cours.

Gestion des AOD :

Pour une meilleure efficacité du traitement par AOD, il est impératif de recueillir l’adhésion du patient au traitement.

Il faut également connaître les antidotes spécifiques pour pouvoir intervenir rapidement et efficacement en cas de surdosage. Ils sont soumis à prescription médicale.

Voici quelques-uns des antidotes :

  • HNF : Sulfate de protamine = 1 unité de protamine neutralise 1 unité d’hépatite. L’action est immédiate.
  • HBPM : Sulfate de Protamine = 1 unité de protamine neutralise 1 unité d’activité anti-IIa.
  • AVK : vitamine K1 (voire PPSB) ou plasma frais congelé (risque thrombotique accru).
  • Thrombolytiques : acide tranexamique.
  • Dabigatran (Pradaxa) = Idarucizumab (agent de réversion spécifique du dabigatran).
  • L’andexanet alfa (Ondexxya, Portola Pharmaceuticals) est un antidote aux AOD anti-facteur Xa apixaban (Eliquis) et rivaroxaban (Xarelto).
infirmier face à un patient

Les anticoagulants oraux se prennent à heure fixe, au cours d’un repas.

En cas d’oubli, il faut le consigner dans le carnet de suivi et prévenir le médecin. La dose oubliée peut être prise dans un délai de 8 h (4 h si la prescription fait état de 2 prises par jour). Au-delà, il faut prendre la dose suivante à l’heure prévue, sans la doubler.

Les anticoagulants injectables se font à heure fixe.

En cas d’oubli, il faut alerter le médecin qui indiquera la conduite à tenir.

Toute modification de dose doit être à l’initiative du médecin.

Interactions médicamenteuses et effets secondaires :

Certains médicaments peuvent augmenter les effets des nouveaux anticoagulants. Il s’agit des :

  • Autres médicaments pour fluidifier le sang : clopidogrel, héparine, antivitamine k ou un autre NOAC.
  • Antibiotiques
  • Ciclosporine (antirejet)
  • Anti-inflammatoires et anti-douleurs (aspirine).

D’autres, peuvent diminuer leurs effets comme les antiépileptiques ou la rifampicine (antibiotique).

L’alcool peut modifier dangereusement l’effet des NOAC. On évitera donc les excès.

On adapte les doses aux populations spécifiques : personnes âgées, insuffisants rénaux, etc.

Les NOAC sont contre-indiqués chez les patients atteints d’insuffisance rénale sévère, chez la femme enceinte ou qui allaite et chez les porteurs d’une valve cardiaque mécanique.

Ils ne sont pas recommandés en cas de pratique des sports violents ou de combat où le risque de blessures est important.

Le traitement sera stoppé au moins 24 heures avant une intervention invasive.

Enfin, il faudra aussi surveiller leurs éventuels effets secondaires (sang dans les urines ou dans les selles, saignement de nez persistants, crachats sanguinolents lors des toux, etc.).

Éducation du Patient :

L’adhésion et l’implication du patient sont essentielles.

Un patient sous anticoagulants doit être informé des risques de complications et de la gestion des éventuelles complications :

  • Le suivi biologique et l’INR cible (si traité par AVK)
  • Les risques hémorragiques et thromboemboliques associés
  • Les modalités de prises et les signes évocateurs d’un surdosage
  • Les éléments d’équilibre de son traitement et ce qu’il ne doit pas faire.
  • Les gestes à effectuer en cas d’urgence comme les points de compression, etc.

Le carnet de suivi doit être scrupuleusement renseigné et apporté à chaque consultation.

Rôle des professionnels de santé :

Les médecins prescrivent et renouvellent les traitements anticoagulants et informent les patients des risques auxquels ils s’exposent en prenant ces traitements.

Mais souvent, le passage régulier d’un(e) IDEL est nécessaire pour contrôler la prise du médicament et s’assurer que les consignes sont clairement comprises et appliquées.

La liste des médicaments s’allongeant régulièrement, il est souvent nécessaire d’actualiser ses connaissances afin de sécuriser sa pratique.

Différentes formations sont disponibles pour comprendre les nouveaux anticoagulants, pour sensibiliser à la gestion des risques et des complications associées, ou pour mieux encadrer l’éducation thérapeutique du patient.

Comme nous venons de le voir, les traitements anticoagulants sont des traitements potentiellement dangereux, avec notamment, un risque d’hémorragie parfois fatale, en cas de surdosage.

Pour cette raison, une parfaite connaissance des anticoagulants est requise ainsi qu’une surveillance clinique attentive.

Il est important de personnaliser le traitement anticoagulant pour chaque patient et d’obtenir leur adhésion.

Et vous prenez-vous en charge des patients sous anticoagulant ? Avez-vous déjà rencontré des problèmes liés à leur usage ? Avez-vous déjà suivi des formations complémentaires comme celles proposées dans le cadre du DPC ?

Enfin, si vous avez aimé cet article, n’hésitez pas à le partager.

Lexique :

TVP : Thrombose veineuse profonde

EP : Embolie pulmonaire

IDM : Infarctus du myocarde

FA : Fibrillaton auriculaire

MTEV : Maladie thrombo-embolique veineuse

Source :

Vidal ; HAS ; Ameli.
https://www.vidal.fr/medicaments/utilisation/bon- usage/anticoagulants.html

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