Dans l’esprit collectif, la vaccination est considérée comme un acte aussi simple et machinal que les autres techniques d’injection.
Certes, le geste est simple, mais il n’en nécessite pas moins une connaissance des consignes de base et une bonne maîtrise de l’acte.
Si l’administration du vaccin n’est pas conforme, il n’y a pas de protection.
Comme vous le savez, le rôle du vaccin est de proposer une réponse immunitaire similaire à celle que provoque une infection naturelle, pour nous protéger contre la maladie qu’elle cible et ses éventuelles complications. Pour cela, il faut aussi respecter les schémas vaccinaux.
Si cette règle essentielle est connue et répétée, il est plus rare d’aborder la question de la technique d’administration du vaccin, pourtant cruciale, puisque de sa bonne exécution dépendent son efficacité, la minimisation des effets secondaires, et la confiance de vos patients.
Alors, quelles sont les techniques d’administration des vaccins ? Et, quelles sont les règles à respecter pour sécuriser votre pratique ?
C’est ce que nous verrons dans cet article.
Pourquoi maîtriser les techniques d’administration des vaccins ?
À noter que chaque vaccin a fait l’objet d’essais cliniques afin de déterminer la juste dose, la meilleure voie d’administration et le bon calendrier vaccinal.
Importance de l’efficacité :
De la bonne technique d’administration du vaccin dépendent l’optimisation de la réponse immunitaire et la minimisation du nombre d’échec vaccinal.
Sécurité des patients :
Elle permet aussi de prévenir les complications comme un abcès au site d’injection ou d’autres réactions indésirables qui pourraient survenir.
Confiance dans la vaccination :
Par ailleurs, la maîtrise de vos pratiques professionnelles et de vos techniques de soins crédibilisent les campagnes de vaccination, et renforcent l’adhésion de vos patients.
Les différentes voies d’administration des vaccins :
Injection Intramusculaire (IM) :
La plupart des vaccins peuvent être administrés par voie intra-musculaire.
Sites recommandés :
Chez les nouveau-nés, les nourrissons prématurés et ceux âgés de moins de 12 mois, ils sont injectés dans le muscle vaste externe (partie antérolatérale de la cuisse).
Dès que l’enfant marche, il est également possible de l’injecter dans le muscle deltoïde.
Chez l’adolescent et l’adulte, c’est également le muscle deltoïde qui est privilégié, sauf si la masse musculaire ne le permet pas. Dans ce cas, la partie antérolatérale de la cuisse peut être choisie.
Technique :
Le calibre de l’aiguille est à adapter à la masse musculaire et à l’âge du patient.
Les injections IM doivent être administrées à angle droit (90°).
La peau doit être tendue (entre le pouce et l’index) au moment de l’administration.
Exemples :
Sont concernés les vaccins contre l’hépatite B, la grippe ou le DTP, par exemple.
La grande majorité des vaccins inactivés sont injectés par voie intramusculaire profonde.
Injection Sous-Cutanée (SC) :
Les vaccins vivants atténués peuvent être injectés par voie sous-cutanée.
Sites recommandés :
Chez les enfants avant l’âge de la marche, l’injection se fait dans le tissu sous-cutané de la partie antérolatérale de la cuisse.
Chez les enfants, les adolescents et les adultes, elle se fait dans le tissu sous-cutané de la région du deltoïde.
Technique :
L’angle des injections SC est de 45°.
À noter, qu’il faut parfois pincer la peau pour que le vaccin soit bien injecté dans le tissu sous-cutané.
Exemples :
Le vaccin ROR ou ceux contre la fièvre jaune sont administrés par voie SC.
Injection Intradermique (ID) :
La voie intradermique (ID) est beaucoup moins utilisée que les voies IM et SC.
Sites recommandés :
Le site de prédilection de la voie ID est l’avant-bras.
Technique :
L’angle d’insertion doit être compris entre 5 et 15°.
Le vaccin s’administre sans aspiration.
Une papule de 6mm à 10 mm se forme alors, signe que le vaccin a correctement été administré.
Exemple :
Le seul vaccin courant administré par ID est le vaccin BCG.
En l’absence de papule, il est recommandé de réaliser un autre vaccin sur un site d’injection différent ou à plus de 2,5 cm de la 1ère injection.
Administration orale :
Les vaccins oraux doivent être administrés avant les vaccins injectables.
Technique :
Ils se présentent sous forme de pipettes ou de seringues orales.
Exemples :
On retrouve les vaccins « à boire » contre les rotavirus ou contre le choléra.
À noter que si le nourrisson régurgite ou vomit, et que le petit patient n’a pas reçu la dose complète de son vaccin oral, aucune dose de remplacement ne devra être donnée.
Le vaccin antirotavirus peut être administré par sonde nasogastrique ou nasojéjunale conformément aux protocoles habituels d’administration de médicaments sur sonde. Elle est également suivie d’un rinçage.
Administration nasale :
Technique :
Les vaccins à administration nasale se présentent sous forme de pulvérisation.
Exemple :
Le vaccin intranasal de référence est le vaccin antigrippal.
Toutefois, il n’est pas disponible dans tous les pays.
Comparaison des voies d’administration :
Voies : | Absorption : | Indications : | Exemples : |
Intra-musculaire | Rapide | Vaccins systémiques nécessitant une réponse rapide. | Hépatite B, grippe |
Sous-cutanée | Lente | Vaccins à diffusion progressive. | ROR, fièvre jaune. |
Intradermique | Locale et rapide | Vaccins ciblant les cellules immunitaires de la peau. | BCG |
Orale | Variable selon les vaccins | Vaccins gastro-intestinaux ou systémiques. | Rotavirus, choléra |
Nasale | Locale (Muqueuse) | Vaccins contre les infections respiratoires. | Grippe |
Préparation avant l’administration :
Le plus souvent, les vaccins sont présentés sous forme de kits à reconstituer ou de seringues préremplies.
À noter que la bulle d’air présente dans les seringues prêtes à l’emploi ne doit pas être purgée. Elle sert à administrer la totalité de la dose de vaccin.
Analyse des indications :
Avant d’administrer un vaccin à un patient, vous vérifiez son éligibilité, ses antécédents médicaux et allergiques, les traitements en cours, son état de santé actuel (grossesse, immunosuppression…), et les éventuelles contre-indications.
Vous préparez également le carnet de santé et/ou de vaccination.
Vérification des vaccins :
Une fois l’éligibilité contrôlée, vous préparez le vaccin, vérifiez l’intégrité du flacon, la date d’expiration, et vous assurez du respect de ses conditions de conservation (chaîne du froid).
Préparation du matériel :
Ensuite, vous préparez le matériel en fonction du vaccin à administrer, de la voie d’administration, et de votre patient (âge, sexe, corpulence…).
Choix de la seringue :
Vous adaptez la capacité de votre seringue au volume de la dose de vaccin à administrer.
Certains vaccins nécessitent des seringues spécifiques, comme c’est le cas avec les vaccins antiCovid : des aiguilles et/ou seringues à faible volume mort doivent être utilisées pour pouvoir extraire les doses prévues à partir d’un flacon unique.
Pour le vaccin Comirnaty® Omicron XBB.1.5 (30 µg/dose), dont le flacon contient 6 doses, la combinaison de l’aiguille et de la seringue doit avoir un volume mort ne dépassant pas 35 µL.
Quoi qu’il en soit, il faut toujours se conformer aux recommandations des laboratoires.
Choix de l’aiguille :
L’aiguille doit être adaptée à la corpulence de votre patient pour que le vaccin atteigne le tissu cible (sous-cutané, muscle…), condition essentielle pour optimiser la réponse immunitaire et minimiser les risques de réactions secondaires.
En règle générale, le choix de l’aiguille se fait comme suit :
Âge-poids : | Aiguilles IM recommandées : |
Nouveau-né | 16 mm |
Nourrisson, enfant | 16 à 25 mm |
Enfant obèse, adolescent, adulte | 25 mm |
Adulte de plus de 70 kg | 38 mm |
À noter que si l’aiguille IM est trop longue, vous risquez d’injecter le vaccin en intra-osseux ou de toucher les nerfs et les vaisseaux sanguins environnants, tandis que si elle est trop courte, le vaccin peut être administré par mégarde, dans les tissus plus superficiels, et majorer l’inflammation ou provoquer une induration ou la formation d’un granulome.
Reconstitution du vaccin :
Pour reconstituer le vaccin, vous suivez les recommandations du fabricant, et utilisez le diluant fourni.
Pour ne pas faire mousser le vaccin ou dénaturer sa protéine, pensez à injecter le solvant contre la paroi du flacon, et non pas directement sur la poudre.
Sauf indication contraire, une fois mélangée, la suspension obtenue doit être uniforme.
À noter que si vous réalisez plusieurs vaccins chez votre patient, vous commencez par ceux qui provoquent le moins de douleur et terminez par ceux qui en génèrent le plus : les vaccins contre le pneumocoque ou le HPV sont réputés être les plus douloureux.
Vous renseignez avec précision le point d’injection de chaque vaccin pour pouvoir y associer la réaction qu’il entraine, qu’elle soit normale ou pas.
Communication avec le patient :
En plus de maîtriser la technique d’administration du vaccin, vous devez pouvoir expliquer le processus de vaccination, répondre aux questions que votre patient pourrait vous poser, et le rassurer sur les éventuels effets secondaires.
Pensez à lui indiquer les éventuelles restrictions post-vaccinales s’il y a lieu : ne pas utiliser le bras choisi pour l’injection, immédiatement après avoir reçu le vaccin, par exemple.
Bonnes pratiques lors de l’administration des vaccins :
Hygiène et sécurité :
Vous réalisez l’injection du vaccin dans les mêmes conditions d’hygiène et d’asepsie que pour n’importe quelle autre injection : utilisation de matériel stérile et à usage unique, désinfection des mains à la SHA, et du site avec une solution antiseptique, que vous laissez sécher avant d’injecter le vaccin …
Positionnement du patient :
Vous installez votre patient dans une position confortable et stable, de préférence assise pour éviter le malaise vagal.
Les nourrissons restent dans les bras de leur parent.
Gestion de la douleur et de l’anxiété :
Pour canaliser la peur de votre patient, quel que soit âge, vous pouvez :
- le rassurer ou rassurer les parents (un parent serein tranquillise le nourrisson),
- utiliser des techniques de distraction : respiration pour les grands, jeux, pour les petits,
- proposer un anesthésique topique, qui inhibe l’impulsion douloureuse et sa transmission aux terminaisons nerveuses du derme,
- et bien sûr, maîtriser la technique d’administration.
À noter que l’injection du vaccin se fait sans aspiration préalable.
Élimination du matériel :
Sauf recommandation réglementaire contraire, vous éliminez vos aiguilles et seringues dans les conditions habituelles : container à aiguilles sécurisé…
Erreurs courantes à éviter :
Mauvais site d’injection :
Comme mentionné précédemment, si la voie d’administration n’est pas correctement choisie ou respectée, le vaccin inoculé risque de ne pas être efficace, et dans une moindre mesure, il peut entraîner une douleur inutile.
Non-respect des contre-indications :
Encore une fois, vérifiez bien l’éligibilité de vos patients lors de l’interrogatoire.
Mauvaise conservation :
Enfin, assurez-vous que le vaccin ait bien été conservé, condition essentielle pour qu’il soit efficace et stable.
Surveillance et gestion post-vaccination
Observation immédiate
Vous surveillez votre patient pendant 15 minutes pour détecter d’éventuelles réactions allergiques ou effets indésirables.
En cas de malaise vagal ou d’anaphylaxie, vous réagissez rapidement.
Réactions courantes et gestion :
En règle générale, les symptômes inhérents à la vaccination sont bénins. Les plus couramment observés sont la rougeur, la douleur au site d’injection et la fièvre.
Pensez à fournir les conseils appropriés pour les gérer efficacement.
Documentation et suivi :
Pour finaliser l’acte de vaccination, vous la consignez dans les carnets de santé et/ou sur les plateformes électroniques spécifiques.
Ensuite, vous planifiez les éventuels rappels.
Nouvelles technologies d’administration :
Patchs transdermiques :
Indolore, le patch transdermique pourrait être une alternative de choix, notamment chez les plus jeunes et les plus fragiles.
Elle est actuellement en développement pour certains vaccins.
Micro-aiguilles :
Moins invasives, elles faciliteraient l’administration des vaccins.
Automatisation masse :
Dans un futur plus ou moins proche, des dispositifs robotisés pourraient être utilisés pour des campagnes de vaccination.
Ainsi, au Canada, la startup Cobionix travaille sur l’utilisation de cabines de vaccination sans aiguilles : des robots injecteraient les vaccins, non pas avec des aiguilles, mais en le pulvérisant à travers les pores de la peau grâce à un jet d’air comprimé.
Certaines de ces technologies sont encore en phase de développement, et sont peu utilisées en pratique clinique.
Pour conclure…
Comme nous venons de le voir, l’efficacité des vaccins dépend de sa bonne administration. Maîtriser les techniques qui s’y rapportent, c’est aussi sécuriser et rassurer vos patients.
Alors, si devenir infirmier-prescripteur ou vaccinateur vous intéresse, mais que vous hésitez encore à vous lancer, sachez qu’il existe des actions de DPC dédiées à la vaccination.
Participer à l’une d’elles peut certainement lever vos doutes et appréhensions, en plus de vous permettre de réactualiser vos connaissances ou d’améliorer et sécuriser vos pratiques professionnelles.
Enfin, si vous avez aimé cet article, n’hésitez pas à le partager.
Source :